22 nov. 2008

Lady Oscar

Réalisé par Jacques Demy en 1978, d'après le roman graphique La rose de Versailles de Riyoko Ikeda.

Avec Catriona McColl, Barry Stokes, Christine Böhm, Georges Wilson, Lambert Wilson.
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Sixième fille d'un noble Français frustré de ne pas avoir de fils, Oscar Françoise de Jarjayes est élevée comme un garçon. Devenue Soldat, elle entre au service de Marie Antoinette et devient sa confidente. Au fil du temps, Oscar se rend compte de la révolte qui gronde et de l'incapacité de la souveraine à gérer ses finances. En parallèle elle se découvre des sentiments nouveaux pour André, son ami de toujours, sentiments bouleversés par l'arrivé à Versailles d'un certain Axel de Fersen et par l'ambition de son père de la marier au Duc de Girodelle. La petite histoire ne tarde pas à se méler à la grande et Oscar ne peut se tenir éloignée du cataclisme social.
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Pour pouvoir critiquer correctement le film de Jacques Demy, il faut revenir à l'origine de la saga Lady Oscar et plus particulièrement à l'animé bien connu qui fit les beaux jours de France 3 juste après Albator et Ulysse 31.

Lady Oscar apparaît malgré ses nombreux défauts (ses pigeons triangulaires et autres petites erreurs inhérentes au genre) comme une oeuvre emblématique, presque un chef-d'oeuvre de l'animation japonaise. La dimension tragique de la série est indiscutable et nombre de répliques restent longtemps gravées dans les mémoires, comme les superbes musiques au claveçin et les reconstitutions des intérieurs de Versailles.


Marie Antoinette, Dauphine naîve, devenue reine trop tôt.

Riyoko Ikeda dans son roman graphique a parfaitement su rendre la tension de l'époque, l'idée de l'issue inévitable qui plane sur le couple royal et a su tout aussi parfaitement intégrer ses personnages (Oscar, André, Girodelle..) dans le tableau qu'elle dépeint. On pourra s'étonner que l'attirance que Oscar éprouve pour Fersen et les dialogues bouleversants entre les deux personnages ne paraissent en aucun cas invraissemblables, et on se surprendra à verser une larme lors du magnifique épilogue de l'épisode "Adieu est un mot d'amour" dans lequel Oscar fait ses adieux à Marie Antoinnette au soir du 13 Juillet 1789.
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C'est en 1978 que la réalisattion de l'adaptation "live" de Lady Oscar est confiée au cinéaste Jacques Demy (Peau d'Ane, les Demoiselles de Rochefort...) qui doit composer avec une équipe majoritairement japonaise et ne peut imposer ses propres choix sur le métrage. Certains disent qu'il a même dû se rabattre sur Christine Böhm dans le rôle de Marie Antoinette car Catherine Deneuve refusait de se compromettre dans ce futur nanard, mais cela reste infondé, il m'étonnerait fort que Demy ait eu le droit de demander la contribution de Deneuve. La firme japonaise qui l'emploie impose donc la jeune écossaise Catriona McColl (qui jouera plus tard dans les plus beaux films de Lucio Fulci, notamment l'Au Delà) dans le rôle d'Oscar Françoise de Jarjayes et réclame de nombreux changements scénaristiques auxquels Demy se plie, pensant lui-même que ces changements sont bénéfiques à l'histoire et sont plus respectueux de la vérité historique.

Force est de constater que sur le film, tout le monde se plante royalement (sans mauvais jeu de mot), si Michel Legrand à la musique s'en sort asez bien sans pour autant parvenir à retranscrire l'émotion des thèmes de l'animé, Bernard Evein aux décors et Jacqueline Moreau aux costumes sombrent dans un véritable trou noir créatif et même les intérieurs du château de Versailles (le film est quand même tourné dans les lieux même de l'action) se retrouvent enlaidis par des éclairages blafard et des tentures aux couleurs mal agencées. faut-il imputer ce manque de goût à la production ou à un Jacques Demy sur le déclin ?

Essayez un peu d'avaler que ce sont Oscar et Marie Antoinette dans les jardins de Versailles...ça fait mal hein !

Au niveau de l'interprétation, rien pour relever la sauce, sinon un Georges Wilson qui cabotine allègrement sachant que personne ne retiendra jamais son rôle. Catriona McColl a beau être très très très jolie, jamais ô grand jamais elle ne pourra passer pour un homme façon Chevalier d'Eon et à aucun moment le personnage d'Oscar (qui donne quand même son titre au film) n'est véritablement crédible. Le fond est atteint avec les interprétation de Christine Böhm qui se trinballe dans versailles en hurlant à tout va des "Bioutifoul ! Wonderbar !" et par un Christopher Ellison dans le rôle de Robespierre qui avec une surenchère de haussements de sourcil fini par donner le tourni. On est très très loin des personnages tragiques et attirant de l'oeuvres de Riyoko Ikeda, et on ne sait véritablement si l'on doit rire ou pleurer...jusqu'à ce que le coup de grace vienne nous scotcher totalement : Le personnage, magnifique, grand, noble, le pendant masculin d'Oscar qui respecte la jeune femme et la traite en égal, son allier à Versailles, qui la comprend, sans pouvoir la suivre lorsqu'elle rejoint les révolutionnaires, j'ai nommé le Duc Victor Clément de Girodelle...devient devant la caméra de jacques Demy un noble libertin, partouseur et grossier (interprété par l'acteur anglais Martin Potter, pourtant excellent) qui veut épouser Oscar pour s'approprier la fortune du père de Jarjayes. Là c'est définitif c'est une trahison !




Le Duc de Girodelle personnage tragique essentiel dans l'oeuvre de Ikeda, rien à voir avec le personnage interprété par Martin Potter.


Au niveau de la trame, le film a beau durer plus de deux heures, il trouve le moyen de simplifier l'histoire au maximum donnant au quatuor amoureux Oscar-André-Marie Antoinette-Fersen un caractère Vaudevillesque, notamment lors d'une scène ou Louis XVI baille aux corneilles d'un air de ravi de la crèche tandis que Marie Antoinette se fait bécotter par Fersen sur le balcon du dessous. Demy a choisit de développer au maximum l'ambigüité de la complicité entre Oscar et Marie Antoinette qui se retrouvait un peu mise de côté dans l'animé (tout public) mais le jeu outrancier de Christine Böhm tue dans l'oeuf l'idée d'une quelconque subtilité...ressembler à Catherine Deneuve ne fait pas tout.

Pour ce qui est de la tension dramatique, on repassera, la révolution arrive comme un cheveu sur la soupe, conduite par un Robespierre qui continue de hausser les sourcils à tel point qu'on en vient à croire que c'est un tic ! Oscar et André se retrouvent séparés lors de la prise de la Bastille qui marque l'issue funeste du métrage...une nouvelle trahison à l'oeuvre originale, puisque le film voit Oscar survivre et chercher désespérément André dans la foule...ce qui peut passer pour une bonne idée quand on ne connaît pas le superbe mais triste final de la série animé qui est ici totalement éclipsé.

Demy achève son film dans tous les sens du terme avec une dernière réplique totalement ridicule et mal venue "The Bastille has been taken !" (prononcez "bastile") et centre son final sur la révolution française. Certes il y a l'idée d'un décalage entre le bonheur du peuple et le désespoir d'Oscar mais on ne ressent pas le désarroi et l'émotion provoqué par l'animé. Exit aussi le petit épilogue ou Bernard Chatelet et Rosalie Lamorielle évoque le souvenir d'Oscar et d'André. Exit le souffle tragique. Exit le superbe générique "Versailles No Bara". Exit Demy... sur un immonde "FIN" rose guimauve...ah la la, que c'est triste.

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Fais pas cette tête Oscar, la série animée te rend merveilleusement justice !

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17 nov. 2008

Mycroft Holmes : Génie inexploité ?

Mycroft Holmes vu par Sidney Paget (Gravure paru dans The Strand)


Mycroft Holmes apparait à plusieurs reprises dans les nouvelles de Sir Arthur Conan Doyle mettant en scène son célèbre frère Sherlock, notament dans Le Dernier Problème et dans les recueils Les mémoires de Sherlock Holmes, Le retour de Sherlock Holmes et Son dernier coup d'archet. Il est décrit comme un personnage indolent, froid et passant ses journées au Diogenes Club de Pall Mall dont il est le co-fondateur.

Ce personnage par bien des abords antipathique n'en est pas moins une personnalité fort intéressante puisque ses capacités de déduction sont largement supérieures à celle de son frère Sherlock, qui lui reproche d'ailleurs souvent de ne pas les mettre à profit :

"...he has no ambition and no energy. He will not even go out of his way to verify his own solutions, and would rather be considered wrong than take the trouble to prove himself right. Again and again I have taken a problem to him, and have received an explanation which has afterwards proved to be the correct one. And yet he was absolutely incapable of working out the practical points..."

Les rapports fraternels qu'entretiennent les deux hommes ne semblent pas réellement relever de l'amour fou, mais leur complicité et la facilité avec laquelle Sherlock peut avouer avoir été dépassé par son frère ont quelque chose de touchant. Mycroft est loin d'être un personnage méprisant, mais la tranquilité de ses journées ne saurait être troublée que par un évènement de la plus haute importance. L'homme occupe par ailleurs un poste mystérieux, mais très important, en rapport avec les affaires étrangères, au sein du gouvernement britannique ce qui en fait une personnalité très influente en Grande Bretagne.
On pourra noter la similitude entre le portrait qu'en fait Sidney Paget pour la revue The Strand et ce cher Oscar Wilde ; résonnance de l'inspiration de Doyle ? hhm possible.

Le rôle de Mycroft Holmes, s'il n'a pas été aussi distribué que celui de Sherlock Holmes au cinéma a quand même bénéficié de l'interprétation de deux grands acteur Britaniques, j'ai nommé Christopher Lee (La vie privée de Sherlock Holmes) et Charles Gray (Sherlock Holmes attaque l'Orient Express et la série Sherlock Holmes avec Jeremy Brett). J'admet que Lee est physiquement plus proche de Sherlock que de Mycroft mais sa distinction aristocratique a vite pris le pas sur mon attitude puriste. Pour ce qui est de Charles Gray, la ressemblance n'est pas parfaite, mais on est plus proche du Mycroft légèrement corpulent et sévère décrit par Conan Doyle. J'ai toujours espoir de voir Stephen Fry interpréter Mycroft...peut-être parce qu'il a en 1998 rendu vie à Oscar Wilde avec Brio dans le film de Brian Gilbert et que dans mon esprit, les figures de Mycroft Holmes et d'Oscar Wilde demeurrent, on l'aura compris, indissociables.



Jeremy Brett et Charles Gray dans la Série produite par Granada

16 nov. 2008

Oscar Wilde et le Meurtre aux Chandelles

Roman de Gyles Brandreth

En cette fin de siècle trépidante, Oscar Wilde, dandy éclairé, virevolte de mondanités en rendez-vous discrets, lorsqu'un drame vient bouleverser sa vie. tandis qu'il s'apprète à écrire The Picture of Dorian Gray, il découvre dans un meublé le corps sans vie de Billy Wood, un jeune garçon de sa connaissance. Tout semble indiquer un meurtre rituel. Et en ami fidèle, Oscar Wilde s'est juré de ne trouver le repos tant que justice n'aura pas été faite pour Billy Wood. Commence alors pour Oscar et ses amis Arthur Doyle et Robert Sherard une enquête dans les bas-fonds de Londres qu'aucun d'eux n'est prêt d'oublier.



Ecrit par un véritable admirateur d'Oscar Wilde, The Candlelight Murder réunit le temps d'une enquête un tryptique littéraire fort sympathique composé bien sûr d'Oscar Wilde, et aussi de Sir Arthur Conan Doyle et Robert Sherard (arrière petit fils du poète William Wordsworth et grand ami et biographe de Wilde). Le moins que l'on puisse dire c'est que la trame n'est pas des plus mouvementées et que les révélation s'enchainent à un rythme très lent qui en déroutera plus d'un, mais c'est là la volonté de l'auteur de faire coller le style à la personnalité de Wilde, personnage haut en couleur mais assez peu sportif ; Ainsi, si Wilde connais déjà parfaitement certains éléments de réponse, il lui arrive de les garder pour lui et de n'en faire part a Sherard, et par là même, au lecteur que bien plus tard. Le duo Wilde/Sherard fait penser par bien des aspects au duo Holmes/Watson et la présence de Doyle n'est pas innocente du tout. Nombreuses sont les références à Sherlock Holmes, notamment lorsque Wilde fait appel aux mauvais garçon de Baker Street pour obtenir des informations, mais comme le fera remarqué Conan Doyle, c'est pour le personnage de Mycroft qu'il s'inspirera de Wilde (on pensera évidemment aux gravures de Sidney Paget pour la revue The Strand qui évoquent immanquablement Wilde) et de son côté détective de salon, Wilde préférant souvent aller s'installer dans un confortable fauteuil de son club plutôt que d'aller courir les rues.
Les sous-entendu homosexuels se font discret et ne sont pas l'intérêt principal du roman qui nous emmènera pourtant dans de drôles de salon où dînent en secret les notables et où on habille les jeunes hommes en costumes marins ; des pratiques fort sages issuent d'un érotisme desuet qui rendent d'autant plus attachant la galerie d'amis poètes de Wilde que l'on croisera à l'occasion.

La famille de Wilde tient aussi une grande place dans le déroulement de l'enquête ; c'est un réel plaisir de retrouver la figure calme et apaisante de Constance Lloyd et le père attentionné qu'était aussi Wilde en dehors de ses fantaisies

Pour ce qui est du mystère entourant l'assassina du jeune Billy Wood, on en est quitte pour un retournement de situation inattendu et séduisant qui achève The Candlelight Murder sur un dernier point d'orgue qui ne donne qu'un espoir : de voir au plus vite sortir un nouveau tome de la Série The Oscar Wilde murder mysteries par Gyles Brandreth !