8 avr. 2009

La Fille de Jack l'Eventreur

Réalisé par Peter Sasdy en 1971.
Avec Eric Porter, Angharad Rees, Jane Merrow, Derek Godfrey...


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Whitechapel, 1888, un homme rentre chez lui en pleine nuit, sa femme affolée lui annonce qu'un nouveau meurtre a été commis et que la population s'est mise en chasse du coupable, avant de s'appercevoir que son mari à les mains couvertes de sang. Il la poignarde avant qu'elle n'aie pu réaliser...derrière les barreaux de son berceau, la jeune Anna, vient d'assister au meutre de sa mère par Jack l'Eventreur...


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L'année 1971 n'est pas restée dans les mémoires comme un grand cru de la Hammer, au début des années 70, on considère la firme sur le déclin. Tout cela on le sait déjà mais il est intéressant de se pencher un instant sur les parcours de deux réalisateurs de la Hammer, Roy Ward Baker et Peter Sasdy, les deux hommes de 69 à 71 vont réaliser en miroir trois productions chacun pour la firme. En 1969, Peter Sasdy réalise avec Une messe pour Dracula l'une des plus belles variations sur le mythe créé par Stoker, en 70, Baker va réaliser Les cicatrices de Dracula...ces deux films, de styles très différents sonnent comme des coups d'essaie, un passage obligatoire en quelque sorte, tout réalisateur de la Hammer se doit d'en passer par Dracula. En 1970-71, les deux réalisateurs s'attaquent à la figure de la prédatrice, de la vampire, chacun faisant jouer Ingrid Pit, Sasdy dans Countess Dracula, racontant les méfaits de la comtesse Erzebeth Bathory, Baker dans Vampire Lovers, superbe adaptation du roman de Lefanu, Carmilla. En 1971, Ils empruntent à nouveaux des chemins parellèles, de plus en plus rapprochés en tournant autour du mythe de Jack l'éventreur, ainsi, Roy Ward Baker réalise Dr Jekyll and Sister Hyde, variation à la fois sur le roman de Stevenson et sur les meurtres de Whitechapel, et Sasdy réalise le film qui nous intéresse ici, La fille de Jack l'Eventreur, variation freudienne et mélancolique du mythe.

Peter Sasdy est un petit maitre du cinéma d'épouvante freudien, les rapports familiaux, les trauma, sont sa spécialité, il l'a déjà montré avec Une messe pour Dracula, mais avec La fille de Jack l'éventreur, il va encore plus loin dans la psychologie, et aussi dans l'horreur...


Comme toujours chez la Hammer on ne peut que saluer le soin apporté aux décors et aux costumes, ainsi qu'à l'atmosphère, le Londres de l'époque victorienne est reconstitué de façon remarquable, avec ses fiacres, sa brumes...et sa misère. Le casting n'est pas aussi prestigieux qu'à l'ordinaire, point de Peter Cushing, de Christopher Lee ou de Dawn Addams ici, mais des acteurs tout de même excellents, surtout Eric Porter en disciple de Freud convaincu et Angharad Rees dans le rôle tragique d'Anna...

Ce qui intéresse Sasdy, comme je l'ai dit, c'est le trauma, mais ce n'est pas pour autant qu'il nous ressort les grosses ficelles, il laisse planer le mystère un certain temps avant de lever le voile: Dix sept ans après, les meurtres continuent, et la jeune Anna se retrouve au milieu d'une affaire qui la dépasse totalement. Complot, Démence ? Il faudra attendre pour le savoir. La tension est palpable et chaque révélation est bien amenée. On pourra regretter un shéma un tantinet répétitif, mais l'atmosphère, la musique et la beauté de l'ensemble font oublier ses menus détails.

Une fois n'est pas coutume, le charactère sanglant et sadiques des meurtres, qui si ces derniers ne sont pas nombreux, vient ajouter un côté "giallesque" bienvenu dans une production britannique... La fille de Jack l'éventreur n'en est pas pour autant une boucherie, et on apprécie la confrontation de la violence avec la douceur d'Anna qui donne un côté baroque et dégénéré à l'ensemble scandant la condamnatioon des personnages principaux, qui de par leur nature ne sont pas destinés à survivre.

Ces personnages à contrecourant, dès le début condamnés, ce sont le Dr Pritchard et Anna, lui est un homme d'âge mûr qui fantasme secrètement sur sa nouvelle pupil, elle est une jeune femme, qui offre sa confiance toute entière à l'homme qui l'a recueilli. Le Dr Pritchard tente de soigner Anna, tout en sachant qu'il ne peut rien faire, il s'accroche à celle qui lui rappelle tant sa defunte femme...

Il est intéressant de constater que la relation qui s'instaure entre Pritchard et Anna, trouve échos dans le roman de Bob Garcia, Duel en enfer, dans la relation qui se noue entre le Dr Watson et Wendy. Les deux oeuvres ne se font pas échos que sur ce seul plan, et se complètent remarquablement au final. Il serait intéressant de savoir si Bob Garcia a connaissance du film et si oui s'il s'en est partiellement inspiré.


La tension dramatique continue d'aller crescendo, enrichie par la relation trouble des deux personnages ainsi que par l'intervention de second rôles fantastiques. On appréciera aussi une visite chez la medium royale (clin d'oeil au fait de la reine Victoria croyait au spiritisme) ainsi qu'une séance au début du film qui n'est pas sans évoquer les récits d'Arthur Conan Doyle à ce sujet.

Peter sasdy fini par précipiter le couple impossible dans une spirale tragique, faisant revenir Jack l'éventreur dans la vie d'Anna comme le fantôme de Duncan revenu hanter Macbeth, et nous offre un final magnifique, revisitant Roméo et Juliette (et une bonne partie du repertoire shakespearien au passage) avec brio.

Hands of the Ripper, avec la richesse des thèmes abordés, l'excellence des interprétations de ses acteurs et la splendeur de ses décors (cf la scène finale), reste dans la filmographie du studio l'une des productions les plus intéligentes, et l'une des plus belles, sinon la plus belle oeuvre de Peter Sasdy. Variation émouvante et troublante sur le mythe de Jack l'éventreur ayant pour contexte la naissance de la psychanalyse...riche, cruel, flamboyant ; à ne manquer sous aucun pretexte !




2 commentaires:

Clelie a dit…

Un article époustouflant, vraiment !
Je ne connaissais pas ce film (et je confesse humblement que je suis loin d'être une spécialiste des crus de la Hammer), et aux dires de ton article, cette oeuvre a l'air fort intéressante sur bien des points. Outre la connotation sanglante du personnage de Jack the Ripper, on sent qu'il y a une véritable analyse dans ce film, et différents degrés de visionnage. Je pense que je vais me laisser tenter.
Le personnage de Jack the Ripper, tristement célèbre, m'interpelle depuis quelques temps (sous ton influence peut-être ? ;-) ), et outre ce fameux Duel en Enfer, que je vais recevoir dans les prochains jours, je pense que ce film m'intéresserait au plus haut point !

A très bientôt et merci pour ce bel article !

Gabriel a dit…

Merci à toi Clélie pour tes commentaires toujours si chaleureux !

Je suis pour ma part certain que ce film te plairait, car il décline le mythe d'une façon touchante et très intéressante...Il complête à merveille la lecture de Duel en Enfer !

A très bientôt ! ^_^