22 déc. 2010

Requiem Silencieux pour Jean Rollin


Né le 3 Novembre 1938, Jean Rollin fut l'un des rares cinéastes français à s'illuster dans le cinéma fantastique. Débutant sa carrière avec des court métrages tels Les Amours Jaunes ou Les Pays Loin, à la fin des années 50, il collabore avec Margueritte Duras sur L'Itinéraire Marin, son premier long métrage qui ne verra jamais le jour.
Adepte du nouveau roman et de la déconstruction narrative, Rollin réalise en 68 ce qui sera donc son premier long métrage : Le Viol du Vampire. Le réalisateur pensait que son film, étrange et très post-nouvelle vague répondrait aux attentes de la nouvelle cinéphilie française, que nenni, la bobine surréaliste, sera très mal reçue par le public français. devant le scandale qu'engendre son premier film, Rollin songe un temps à abandonner le cinéma, mais n'en fait rien.
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La fin des années 60 et le début des années 70 verrons naitre la plupart des films de vampire de Rollin : La vampire Nue, Le Frisson des Vampires, Requiem pour un Vampire (le meilleur des trois à mon sens). Mais chacun de ces films se heurte à l'hostilité de la critique, qui ne s'est pas calmé depuis Le Viol du Vampire.

Après Requiem pour un Vampire, Rollin abandonne quelques temps les enfants de la nuit, pour réaliser l'un de ses chefs-d'oeuvre : La Rose de Fer (1972), sublime errance d'un jeune couple enfermé toute une nuit dans un cimetière, le film est tout autant inspiré par Tristan Corbière que par Baudelaire.
Suivront Les Demoniaques (1974), un film fantastique et fantaisiste, haut en couleur et ambitieux, puis c'est à nouveau le vampire qui est à l'honneur avec Lèvres de Sang, d'après un scénario auquel Rollin tient beaucoup, sur le souvenir et la recherche de l'être aimé. Malheureusement, la quête de Jean Lou Philip de touchera pas le public, et c'est de nouveau l'échec commercial auquel est confronté le réalisateur, malgré la réussite artistique.
C'est à cette période que Jean Rollin va réaliser sous diverse pseudonymes plusieurs films érotiques, voire pornographiques qui permettront d'amasser le maigre budget des films suivants. Il réalisera à la même période Les Raisins de la Mort, en 1977, son premier film de morts vivants.
Revenant comme toujours au vampire, il parvient à réaliser en 79, son très poétique Fascination, dans lequel il fait jouer Brigitte Lahaie, pour laquelle c'est le premier grand rôle en dehors du X. Mais la critique et le public demeurent hostiles, persistant à ne voir en Rollin qu'un réalisateur de troisième zone, coincé quelque part entre le z et la pornographie (pourtant toujours absente de ses oeuvres fantastiques). l'accueil ne sera pas meilleur pour La Morte Vivante, pourtant très touchant malgré les excès sanglants, et certainement pas pour Le Lac des Morts Vivants, produit par Eurociné, qu'il signe d'un pseudonyme, après que même Jess Franco ait refusé de le réaliser.
Jean Rollin se fait de plus en plus discret, préférant se consacrer à l'écriture, ce qui ne l'empêche aps en 1997, de revenir à ses premières amours avec Les Deux Orphelines Vampires, adapté de l'une de ses propres nouvelles, puis avec le délirant La Fiancée de Dracula (2001).
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Malade, Rollin réalise en 2007 son film testament, le fascinant et troublant La Nuit des Horloges, dans lequel Ovidie erre dans l'imaginaire du cinéaste, rencontrant ses personnages abandonnés, arpentant 40 ans de filmographie.
Jean Rollin, après nous avoir offert un dernier film, Le Masque de la Méduse, s'est éteint le 15 décembre 2010 à l'âge de 72 ans... tiens Jean, voila des roses blanches, toi qui les aimait tant.

29 oct. 2010

I, Monster


Réalisé par Stephen Weeks en 1972
Avec Christopher Lee, Peter Cushing, Mike Raven, Richard Hurndale, George Meritt, Susan Jameson, Kenneth J. Warren...
D'après le roman de Robert Louis Stevenson.

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Le Dr Marlowe s'intéresse de près à la psychanalyse et aux théories de Freud, auxquelles il n'adhère pourtant pas. Travaillant sur une drogue qui altèrerai les effets du "super-ego" (qui assimile les lois, crée le remords et la culpabilité), il pense faire en sorte que ses patients en acceptant leurs pulsions, s'acceptent eux-même. Il s'avère que chaque patient réagit différemment, et de manière plutôt excessive. Curieux de savoir ce qu'ils en éprouvent, Marlowe s'injecte une petite dose de sa drogue... Mais bien vite son corps et son esprit vont en réclamer beaucoup plus, et un 'antidote sera inutile.
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C'est à nouveau à une production Amicus à laquelle je m'intéresse ici : une énième adaptation de l'Etrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde, par le britanique Stephen Weeks. Le film arrive sur les écrans après deux productions Hammer sur le sujet, et non des moindres : The Two faces of Dr Jekyll (Terence Fisher, 1960) et Dr Jekyll & Sister Hyde (Roy Ward Baker, 1971), ce qui ne l'empêche pas, tout en étant de facture plus classique de se montrer plutôt audacieux et esthétiquement beau.
Ce qu'on peur reconnaitre d'emblée comme un atout de I,Monster, ce sont ses décors: reconstitution d'un quartier de Londres dans un vaste studio, intérieurs richement décorés etc. et la musique de Carl Davis qui passe d'un mélo appuyé à un grotesque prononcé, selon qu'on se trouve en présence de Marlowe (Lee/jekyll) ou de Mr Blake (Lee/Hyde).
Autre qualité notable est celle d'avoir lié Jekyll (qui vous l'aurez compris s'appelle Marlowe dans le film) à la psychanalyse, ce qui donne lieu à un discours fort intéressant, surprenant même. Stephen Weeks et son scenariste Milton Subotsky palient aux carences budgétaires en étoffant cette piste, ce qui s'avère salvateur pour le film, qui aurait pu devenir une bête série B parmi tant d'autres.
S'il faut parler d'atout majeur, c'est bien évidemment vers le casting qu'on se tourne, puisque le film propose en vedette Christopher Lee dans le rôle du Dr. Bien sûr, on peut reprocher à Weeks un écueil que Fisher avait su éviter (Lee jouait dans The Two Faces, mais à la surpris générale n'interprétait pas Jekyll), mais il serait malséant de ne pas reconnaitre à Christopher Lee un jeu impeccable comme à l'accoutumé, que l'on remarque d'autant mieux que le maquillage est plutôt minimaliste : Lorsque Marlowe devient Blake, le visage de Lee ne se fent, pour seul signe de tranformation, que d'un rictus délirant, soulignant l'amoralité de son alter égo, littéralement content d'être méchant.
Richard Hurndale dans le rôle d'un Lanyon vieux-jeu livre une prestation des plus honorable, mais c'est Peter Cushing, dans un second rôle pourtant très présent, qui l'éclipse littéralement lorsqu'il se trouve à l'écran et donne au personnage de Frederick Utterson une importance phénoménale, ce qui a du pousser Weeks à donner le dernier mot à Cushing et non à Hurndale dans la séquence finale.


La particularité de I, Monster, au regard des autres adaptations est aussi et surtout de ne pas mettre en scène d'histoire d'amour contrariée, ainsi que c'est souvent le cas : les sentiments humains tiennent finalement fort peu de place dans la vie de l'égocentrique Dr Marlowe. Le film en ressort plus froid, et le discours, plus efficace.
L'ensemble évidemment peut manquer quelque peu de grandeur, mais cette adaptation trop méconnue de Jekyll & Hyde signée Amicus Productions talonne de près ses ainées Hammeriennes.

27 oct. 2010

And Now The Screaming Starts !

Réalisé par Roy Ward Baker en 1973.
Avec : Peter Cushing, Herbert Lom, Patrick Magee, Stephanie Beacham, Ian Ogilvy, Geoffrey Whitehead, Norman Mitchell...
D'après le roman de David Case, Fengriffen.

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Angleterre, 1795, Catherine s'apprête à épouser Charles Fengriffen, héritier du vaste domaine Fengriffen. Lorsqu'elle arrive au manoir, elle est immédiatement fascinée par le portrait d'un ancêtre, Sir Henry Fengriffen. Mais alors qu'elle regarde le portrait, elle est assailie de visions cauchemardesques ; commence alors pour elle une lente descente aux enfer qui la mènera au terrifiant secret des Fengriffen.
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Encore une fois, c'est d'un film de Roy Ward Baker dont il est question ici : L'adaptation du roman gothique Fengriffen, de David Case, produite par la Amicus, firme concurrente de la Hammer.
Certes la Amicus n'a jamais jouit ni du succès ni de la réputation de la Hammer, mais on peut lui reconnaitre quelques belles réussites (I, Monster, Le Jardin des Tortures, le Sixième Continent...), même si leur production reste moindre en comparaison de celle de la grande Hammer Film.
And Now the Screaming Starts, malgré sa prestigieuse distribution et Roy Ward Baker aux commandes n'a jamais été considéré autrement que comme un relicat grand guignolesque du cinéma gothique anglais. C'est pourtant un statut que ne mérite pas ce film, dont les efforts pour restituer une ambiance oscillante entre Rebecca et Le Chien des Baskerville, le caractère très littéraire, la musique (très téléfilmesque au demeurant, de Douglas Gamley), les décors etc. sont hautement appréciables.

Il faut avant tout voir dans And Now the Screaming Starts l'un des derniers sursauts de l'épouvante gothique, un chant du cygne qui laisse beaucoup plus de place que ses aînés à la violence graphique. Sans parler de réelle terreur, le film parvient à susciter une certaine tension, grâce à un scénario très habile, reposant sur le traditionnel jeu "est-elle folle ou victime d'une malédiction ancestrale ?" qui prouve une fois de plus son efficacité.
Mais le principal atout de And Now the Screaming Starts, est évidemment, en dehors de ses décors et de son ambiance : son casting ! Ian Ogilvy (The Witchfinder General) et Stephanie Beacham (Dracula AD 1972) forment le couple central : lui obséder par le fait d'avoir un héritier, elle rendue cinglée par des phénomènes étranges. Patrick Magee (The Black Cat) en médecin dépassé. Herbert Lom (euh... là yen a trop) en ancêtre dépravé et maudit, dans une séquence révoltante.

Et bien sûr, faut-il encore le présenter : Peter Cushing. L'acteur le plus flegmatique du monde incarne le très strict Dr Pope, pionnier dans le domaine de la psychiatrie (serait-ce un léger anachronisme ?), dans une composition extraordinaire (on pense bien sûr au rôle que tiendra plus tard Barbara Steele dans Dark Shadows revival). Il constitue à lui seul une excellente raison de voir le film!
Bien sûr, Peter Cushing ne fait pas tout, et on pourra sourire du ridicule de certains effets de terreur (un spectre plutôt rigide, ou cette main coupée qui se ballade de temps en temps dans les couloirs et qui semble annoncer qu'une mort est proche...)
Faut-il pour cela bouder And Now the Screaming Starts (pour ça ou parce que ce titre est vraiment fatigant à répéter)? Et passer à côté d'un digne représentant (l'un des derniers) de l'âge d'or du cinéma gothique anglais ? Certes non, pourvu qu'on soit séduit par cette ambiance si particulière, ces costumes, ces décors (aaah ce petit cimetière baigné de brume) et ces acteurs. Je ne dis pas un mot à propos du dénouement des plus surprenant (une apothéose), de cette honorable adaptation du court mais complexe roman de David Case.

25 oct. 2010

Dr Jekyll & Sister Hyde

Réalisé par Roy Ward Baker en 1971.
Avec : Ralph Bates, Martine Beswick, Gerald Sim, Lewis Fiander, Susan Brodrick...
Musique de david Whitaker.
Scénario de Brian Clemens, d'après le roman de R.L. Stevenson.
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Le Dr Jekyll, jeune et brillant scientifique est obsédé par l'idée de vieillir ou de tomber malade, et poursuit des recherches sur une potion qui prolongerai la vie. Le jeune homme s'enferme nuit et jour dans son laboratoire, au rez-de-chaussée d'une pension londonienne, et même s'il n'est pas insensible au charme de Susan Spencer, sa jolie voisine, son travail le prive de toute distraction. Un soir, pensant avoir touché au but, il teste le résultat sur lui-même... sans penser une seconde que le concentré d'hormones féminines qu'il vient d'ingérer pourrait avoir d'autres effets que celui de soigner.
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Réalisé par Roy Ward Baker (Les Cicatrices de Dracula, The Vampire Lovers... le réalisateur décédé le 5 octobre 2010 à l'âge de 93 ans a apporté une contribution non négligeable au cinéma) pour la myhtique Hammer, Dr Jekyll & Sister Hyde est probablement l'une des plus grandes réussites du studio au regard de la période (70-75) qui l'a vu naître. Souvent boudés, les films produit par la Hammer après 70 sont pourtant bien plus chatoyants que ceux produits aux alentours de 65-67, et des réalisateurs comme Peter Sasdy ou Roy Ward Baker ont largement participé à ce regain de peps
Tourné à peu près en même temps que Hands of the Ripper, de Peter Sasdy, et dans des décors similaires, Dr Jekyll & Sister Hyde traite presque du même sujet au fond, puisque c'est bien le mystère Jack l'Eventreur qui se voit donné une louable explication par les voies de la fiction (Brian Clemens, avec son scénario préfigure ici les romans à venir, mélant Sherlock Holmes ou Dracula à l'enquête). C'est donc ici, vous l'aurez compris, l'alter ego féminin de Jekyll, qui se rend coupable des crimes, commis dans la brume insondable de Whitechapel (magnifiques décors, somptueuse photographie, et score formidable de David Whitaker, l'ambiance est simplement parfaite !)

Au niveau de l'interprétation, on peut saluer le couple de choc, réuni dans un même corps : Ralph Bates, dandy à l'improbable coupe 70's et à l'expression sévère, dont le Jekyll névrosé est diablement queer, et Martine Beswick (on note une sacrée ressemblance lorsqu'ils sont habillés de la même façon), femme fatale dans tous les sens du terme, qui semble beaucoup s'amuser de son rôle : un esprit d'homme dans un corps de femme. Eclipsant sans difficulté le reste du casting, les deux acteurs évoluent avec une facilité déconcertante dans leur rôle, et les apparitions impromptues de Sister Hyde sont à chaque fois Jubilatoire.
Si le film ne manque pas d'un certain humour (noir le plus souvent), Baker n'en fait pas pour autant une comédie, le pastiche est élégant et l'issue en est bien sûr la tragédie.

Sombre et délicieusement déviant, Dr Jekyll & Sister Hyde fait partie des joyaux de la période post 70 par trop sous-estimée, de la Hammer, à ranger à côté de Hands of the Ripper de Peter Sasdy ou The Vampire Lovers, lui aussi du regretté Roy Ward Baker.

10 sept. 2010

Années 30 : Petit tour du côté des classiques

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Sans prétention, quelques mots sur une sélection arbitraires de quatre oeuvres cinématographiques ayant marqué les années 30


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Mystery of the Wax Museum (1933)



Michael Curtiz réalise avec Masques de Cire, un excellent suspens en Technicolor, évoquant Le Fantôme de l'Opéra, dans lequel Lionel Atwill incarne Ivan Igor, un sculpteur de génie amoureux de ses créations.

Igor perd ses mannequins de cire et l'usage de ses mains dans l'incendie de son premier musée, et se jure de restaurer chacun de ses enfants et de faire payer le responsable de l'incendie. C'est sans compter sur la persipcacité de la reporter Florence Dempsey, qui se met en tête d'enquêter l'étrange ressemblance que partage les nouveaux mannequins avec des personnes récemment disparues.

Glenda Farrell vole la vedette à Fay Wray (Dont on retiendra surtout les hurlements...quel organe !), dans le rôle de la journaliste Florence Dempsey, incarnant avec une joyeuseté communicative la facétieuse pipelette au caractère bien trempé, dans ce superbe film qui connu plusieurs remake dont House of Wax (1953) de Andre de Toth avec Vincent Price et Le Masque de Cire (1997) de Sergio Stivaletti (produit par Dario Argento et scénarisé par Lucio Fulci) avec cette fois Robert Hossein dans le rôle du sculpteur.

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Freaks (1932)



Oeuvre destabilisante de Tod Browning (Dracula, 1931, Mark of the Vampire, 1935), Freaks est un morceau de poésie pure, ou le beau et le laid sont présentés comme ce qu'ils sont réellement : rien de plus que des notions abstraites.

Cleopatra (Olga Baclanova) projette d'épouser Hans (Harry Earles), et de l'empoisonner pour profiter de sa fortune... Alerté des mauvaises intentions de la superbe créature, le reste de la troupe, autant dire la famille de Hans, veillera à mettre un terme à ce projet.

Censuré à outrance le film garde pourtant cette sensibilité et ce détachement vis à vis des particularité de son casting : un film à voir absolument pour tout amoureux du cinéma, dont l'influence se ressent dans un film plus récent, d'une qualité certes inférieure, mais au demeurant intéressant : House of the Damned (un titre à la noix si vous voulez mon avis), produit par la Fox en 1963.

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The Most Dangerous Game (1932)


Film Phare d'Irvin Pichel et Ernet B. Schoedsack, produit par la RKO un an avant King Kong, Les Chasses du Comte Zaroff est dominé par la prestation halucinée de Leslie Banks dans le rôle de Zaroff, personnage sadien dont l'unique et véritable passion est la chasse... à l'homme.
Robert Rainsford, chasseur de grands fauves, est le seul survivant d'un naufrage ayant eu lieu près des côte d'une mystérieuse île : la propriété du comte Zaroff, un hôte parfait ayant déjà accueilli Eve Throwbridge et son frère Martin... le voila comblé avec trois invités, trois nouveaux trophés en perspective.
Reflexion sur l'homme civilisé chassant pour le plaisir et la bête sauvage chassant pour se nourir, The Most Dangerous Game présente avec Zaroff et Rainsford, deux chasseurs passionnés et pourtant aux antipodes l'un de l'autre : Rainsford passe du statut de chasseur à celui de chassé, comprenant que le fauve dans la jungle de l'attaque pas pour le plaisir mais pour se défendre. le film connaitra plusieurs remake et révision, tel A Game of Death (1945) de Robert Wise, Bloodlust! (1961) de Ralph Brooke, La Comtesse Perverse (1974) de Jess Franco, mettant en scène le couple Zaroff (Alice Arno et Howard Vernon) et Les Week End Maléfiques du Comte Zaroff (1976) nanard de pointe de et avec Michel Lemoine (ainsi, encore une fois qu'Howard Vernon en majordome dérangeant).
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Becky Sharp (1935)


La promotion autour du film promettait "Le premier GRAND film en couleur NATURELLE". Force est de constaté que le technicolor du film fait paraître la couleur tout sauf naturelle (Nigel Bruce à l'air malade), ce qui ne nuit en rien au charme de cette adaptation du formidable roman de William Makepeace Thackeray : La Foire aux Vanités.

Réduite et largement simplifiée, l'histoire est celle de Becky Sharp, orpheline ambitieuse, arriviste, qui grimpe férocement l'échelle sociale et risque de tomber de toujrous plus haut.

Mélodrame de premier ordre, précurseur d'Autant en Emporte le Vent, Becky Sharp n'est pas la pièce maîtresse de la filmographie de Rouben Mamoulian (Dr Jeckyll and Mr Hyde, 1931), mais offre à Miriam Hopkins un rôle trop peu vu au cinéma (mais bien plus souvent à la télévision), sinon récemment dans le Vanityfair de Mira Nair, dont le casting est royal.

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Comme dit, une petite sélection arbitraire commentée sans prétention, de classiques des années 30 à découvrir si ce n'est déjà fait : vite vite vite !

2 sept. 2010

The House of Usher 2008



Réalisé par David Decoteau en 2008.
Avec : Michael Cardelle, Frank Mentier, Jaimyse Haft, Jack Carlisle...
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Lorsque Victor Reynolds rend visite à son ami de toujours, Roderick Usher, c'est pour découvrir que celui ci, atteint d'une étrange maladie dégénérative se terre dans l'obscurité de son imposant manoir, craignant la lumière et l'agitation du dehors...
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Il ne faut jamais très longtemps à la maison usher pour se remettre de ses chutes consécutives. Deux ans après le film de Hayley Cloake, apparait cette nouvelle adaptation, un peu particulière, puisque c'est David Decoteau qu'on retrouve aux commandes. Au programme donc, un casting qui ravira certainement le public du monsieur, puisqu'il est essentiellement composé d'éphèbes, qui n'ont pour toute indication scénique la plupart du temps que celle de déambuler dévêtus dans le décor. Il ne faut pas longtemps, même pour les novices, pour se rendre compte des véritables préoccupations de Decoteau, et les habitués pourront se réjouir de constater que le partenariat du réalisateur avec la chaine TV gay Here! est plutôt fructueux, puisque la filmographie en dent de scie de Decoteau qui connu jadis plus de bas que de hauts, remonte singulièrement la pente.
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Avec le parti pris d'exhiber son casting masculin un maximum, sans jamais se montrer explicite quant aux relations qu'entretiennent les personnages (ce côté crypto-gay qui l'a rendu célèbre), Decoteau parvient à maintenir une réelle tension. Une tension qui ne se trouve pas là où on l'attend (n'allez pas chercher trop loin), puisque ce House of Usher n'a rien de bien terrifiant, l'argument fantastique ne servant que d'amorce pour dévoiler une relation trouble et auto destructrice entre Roderick et Victor. Sans jamais tomber dans la vulgarité, Decoteau flirte pourtant dangereusement avec le softcore bas de gamme, donnant à son film un coté kitsh et camp, pas détestable. Jaimyse Haft, seule représentante de la gente féminine au milieu de cet étalage de chair fraiche, ne s'en formalise pas trop et peu se vanter d'incarner le personnage le plus favorisé par le scénario de Simon Savory, Madeline Usher.
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Egal à lui-même, Decoteau baigne ses décors de son habituelle lumière bleutée, ponctuée d'une éclair de temps en temps, muliplie les traveling sur les corps dénudés. Sur ce point, il se sent visiblement beaucoup plus confiant que d'habitude... ce partenariat avec Here! n'arrive pas trop tôt !
Photographie soignée, mainnequins en boxers en veux-tu en voila, élément fantastique pour faire genre (Dites, il est où Edgar Poe ??)... House of usher est un pur Decoteau, qui en étonnera plus d'un par sa qualité et la richesse inhabituelle de son contenu, le réalisateur se permet même un petit twist final, qui ne nous fera certainement pas réflechir longtemps, mais qui nous montrera, avec ce beau plan sur le visage en larme de Victor, dans un silence total, qu'une force et une tendresse innattendues sommeillent derrière la caméra de David... et sans m'attendre à des miracles, j'espère constater ça de plus en plus souvent !

7 août 2010

Alucarda

Réalisé par Juan Lopez Moctezuma en 1975.
Avec : Claudio Brook, Tina Romero, Susana kamini, David Silva...

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Mexique, 1850. Une femme accouche dans un temple abandonné, d'une enfant, Alucarda, sous les yeux d'un faune, avant de rendre son dernier soupir en glorifiant le diable dont elle est sous l'emprise. Quinze ans s'écoule, Justine, une jeune orpheline fait son entrée au couvent, et partage la chambre d'Alucarda avec laquelle elle se lie d'une profonde amitié... Alucarda, victime de ses penchants morbides, va entrainer Justine dans une spirale infernale à l'issue funeste.
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Voila un film bien singulier que cet Alucarda au titre évocateur.
Moctezuma, ne traite pourtant pas de vampirisme dans son film, même si les allusions sont nombreuses, comme lorsque visitant le temple abandonné, Alucarda et Justine profanent la tombe d'une certaine Lucy Weston, qui serait en fait la mère d'Alucarda, réveillant ainsi la malédiction. La manière dont Alucarda se rapproche de Justine, lui faisant jurer qu'elles resteront éternellement ensemble, n'est pas sans évoquer la séduction de Carmilla, sa persuasion et son envoutement vis à vis de ses compagnes, et enfin, la vision d'une Justine perdue, se régénérant dans un cercueil rempli de sang est assez explicite.
Alucarda n'est pas un film d'horreur à proprement parler, même si les scènes de violence graphique sont nombreuses, c'est une oeuvre qui lorgne beaucoup plus vers le surréalisme et que des maîtres comme Arrabal ou Jodorowsky n'auraient pas reniée. Comme souvent dans le cinéma surréaliste, Alucarda fait preuve d'une irrévérence assez exacerbée vis à vis des convictions chrétiennes, utilisant l'idée de la possession pour donner lieu à des débauches érotico-sanglantes qui ne sont pas sans rappeler le délire des nonnes autour de la figure diabolique dans Love Letters of a Portuguese Nun de Jess Franco (1977), en beaucoup plus outrancier. L'horreur le dispute à la beauté esthétique dans ce conte dont les scènes semblent tirées des tableaux des grands maîtres classiques.
Moctezuma condamne l'intolérance religieuse, en sublimant l'homosexualité féminine et en révélant, par le changement de couleur de l'habit des nonnes, qui du blanc passe progressivement au vermeil, les stygmates d'une lutte vaine et meurtrière qui souillent le corps et l'esprit. Il s'emploie à mettre en lumière les pires dérives du fanatisme, et met en opposition à l'église le personnage du Dr Oszek... qui finira pourtant, convaincut du mal qui ronge Alucarda et Justine, par utiliser l'eau bénite. Ce n'est pas la religion même que Moctezuma condamne, mais bien les actes terribles qu'implique le fanatisme, notamment les atrocités de l'inquisition.

Justine, qui est quasiment ici l'héroïne pervertie de Sade, qui quitte son état de pureté pour s'abîmer dans le mal et Alucarda, qui à bien des égards rappelle la Carmilla de LeFanu, forment un antithétique duo de marionnettes dont les ficelles sont tirées par le diable en personne, dans cette oeuvre étrange, qui ne manquera pas de fasciner le spectateur, avec ce marriage si efficace d'horreur et de poésie.


30 juin 2010

Dracula The Undead

Roman de Dacre Stoker et Ian Holt

En 1888, un groupe de six intrépides a réussi à détruire Dracula aux portes de son château de Transylvanie. Vingt-cinq ans plus tard, ils se sont dispersés mais le souvenir de cette périlleuse aventure où l'un d'eux à laissé sa vie les poursuit. Combat quasi mystique contre les forces du mal, vengeance d'amoureux endeuillés ou inextinguible jalousie : les raisons mêlées de leur acte continuent de perturber leur existence et la disparition du prince des ténèbres n'a pas apaisé leurs tourments.
Une mort inexpliquée devant un théâtre parisien et un deuxième assassinat d'une effroyable cruauté au coeur de Londres vont réveiller la peur. Du Quartier Latin à Piccadilly, l'ombre de Dracula semble à nouveau planer... Les héros d'autrefois devront faire face à un ennemi insaisissable aux attaques sournoises et d'une violence inouïe, mais aussi à leurs propres démons.


Cette suite "officielle" tant attendue du superbe roman de Bram Stoker se déroule 25 ans après les évènements relatés par ce dernier et qui selon les auteurs ont eu lieu en 1888 (on tentera de ne pas rire). Les intentions de Dacre Stoker et de Ian Holt sont louables et on ne peut nier la hardiesse du geste, puisque le roman à pour but la réappropriation du personnage de Dracula par le nom qui l'a fait naître : Stoker. Avançant comme ligne directrice une fidélité inédite à l'oeuvre de Bram Stoker, les créateurs de cette séquel se sont pourtant, j'en ai peur, perdus dans la masse des informations récoltées sur le personnage, que ce soit au niveau historique, littéraire ou cinématographique.
La quatrième de couverture parle des "héros d'autrefois", et cet "autrefois" est à souligner trois fois, puisqu'il serai plus judicieux de parler de ce qu'il reste de ces héros, tombés en déchéance. Après une lettre presque inopportune de Mina adressée à son fils qui résume tant bien que mal en quelques pages l'aventures que Stoker a mis 580 pages à relater en guise d'ouverture, on retrouve les noms connus du roman, Seward, Harker etc, qui 25 ans après avoir affronté Dracula, sont devenus, pour le premier, morphinomane au dernier degré et obsédé par la traque du mal qui rode dans l'ombre, pour le second, un alcoolique antipathique et con, qui a toujours en travers de la gorge l'idylle entre sa fiancée et le monstre. Une idée intéressante que de désolidariser les protagonistes qui en sont réduits à l'état d'épaves, ce qui est le cas pour toute la bande, sauf pour Mina, qui, il faut bien l'avouer ne fait que rêver à Dracula, entre désir et culpabilité.
Parmi les nouvelles têtes, on trouve bien évidemment le jeune Quincey Harker, évoqué brièvement dans la note finale du roman d'origine, qui a bien grandi et qui a pour ambition dans la vie outre de contredire son père à tort et à travers, de devenir acteur... Autant le dire tout de suite, Quincey a l'épaisseur psychologique d'une feuille cançon et il est pourtant tout l'enjeu du roman, lui qui représente la jeune génération. Grande idée qui est celle de situer les premiers évènements à 1888 n'est-ce pas ? Cela permet de lier Dracula à Jack l'éventreur et de faire intervenir un personnage présent dans les notes originales de Stoker mais évincé du roman : l'inspecteur Cotford, qui a, 25 ans auparavant assisté Abberline dans son enquête au coeur des ténèbres de Whitechapel et ne s'est toujours pas remis de l'échec, un gros baton dans les roues de Mina et compagnie... Oh et puis, n'oublions pas que la pire menace qui plane sur nos protagonistes n'est pas Dracula, mais en fait la comtesse Elizabeth Bathory, vampire et psychotique de son état qui joue avec tout ce beau monde comme avec un gigantesque échiquier.
Je pense avoir posé les bases essentielles et avoir mis en exergue quelques unes des plus importantes des grosses ficelles tirées par le duo qui promettait pourtant des merveilles. Tout d'abord notons que le roman s'émancipe du style épistolaire de son modèle, et s'émancipe d'ailleurs de toute notion de style : en français comme dans le texte, cet Immortel est écrit avec une platitude effarante ! On pourra aussi remarquer que les premiers chapitres ne sont aucunement crédibles, bourrés de références grossières éparpillées ça et là comme si de rien était... hélas, ces furoncles référenciels n'ornent pas seulement les premiers chapitres, mais se font heureusement plus discrets par la suite, mais pas pour autant plus fins, on croisera ainsi un sergent Lee, un agent Price ou un Dr Langella, et même le Titanic... quand je vous parlais de la masse d'information dans laquelle il est si facile de se perdre à force d'excès de zèle.
Dracula The Undead a au moins le mérite de se lire facilement malgré l'épaisseur du volume, et gagne en intérêt avec l'apparition dans l'intrigue de Bram Stoker himself qui (nous sommes en 1912 rappelons-le) tente de mettre en scène son Dracula au Lyceum de Londres, épaulé par Hamilton Dean. Encore une fois, c'est intéressant, mais ça n'est jamais très crédible, Stoker doit jongler avec son statut d'auteur du roman Dracula (un des intrépides lui a tout raconté, mais lequel ? Une sous-intrigue assomante et dont l'issue est complêtement bancale) et d'acteur des évènements. Le mérite de Ian Holt et Dacre Stoker est au moins d'avoir su rendre tout à fait clair ce méli-mélo narratif, qui n'en demeure pas moins insatisfaisant. Tout espoir que donne Dracula the Undead en terme de qualité, il l'anéanti presque aussitôt avec de navrantes révélations, des retournements abracadabrants de situations, et tout est perdu lorsque Dracula fait véritablement son apparition. Certes, le noble guerriers est plutôt bien dépeint, mais jamais au grand jamais, on ira croire qu'il a changé Lucy en vampire pour la sauver des erreurs de transfusion de van helsing qui la conduiraient à une mort certaine. Tout comme on ne croira jamais à cette image d'un Van Helsing, l'instant d'avant sénil, l'instant d'après, le regard rougeoyant, clamant "rejoignez-nous dans les ténèbres !". Je dirai à mon grand désespoir que le mieux est encore d'en rire.
Je reste, comme chacun le sait un grand amoureux de Dracula et j'apprécie le travail fourni par Ian Holt sur le sujet, mais je ne peux cacher ma déception qui est à la hauteur de l'admiration que j'ai pour le personnage créé par Stoker et la fièvre qu'il a engendré dans la littérature comme au cinéma. Au mieux, ce Dracula The Undead, dans lequel le personnage de Dracula n'est qu'un joli concept, pourra être qualifié de sympathique divertissement, un bien misérable qualificatif pour une suite qui avait pour but de témoigner au Dracula de Bram Stoker tout le respect qui lui était dû et qui a mis 110 a venir !

28 juin 2010

Dorian Gray (1970)

Réalisé par Massimo Dallamano en 1970.
Avec : Helmut Berger, Richard Todd, Herbert Lom, Marie Liljedahl, Margaret Lee, Maria Rohm...
Produit par Harry Alan Towers.
D'après Le Portrait de Dorian Gray par Oscar Wilde.

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Lorsque le jeune Dorian Gray rencontre Henry Wotton chez leur ami commun, le peintre Basil Halward, l'homme déjà agé lui fait prendre conscience du caractère éphémère de sa jeunesse... la façon de voir les choses d'Henry devient la philosophie de vie de Dorian, sur lequel le temps ne semble pas avoir d'emprise...
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Bien moins connue que la splendide version d'Albert Lewin (The Picture of Dorian Gray,1945, avec Hurd Hatfield, Georges Sanders et Angela Lansbury), cette adaptation modernisée du roman d'Oscar Wilde n'a rien à lui envier. Massimo Dallamano a su prouver tout au long de sa courte carrière de cinéaste à quel point il était habile avec l'image (voire Mais qu'avez vous fait à Solange, ou Emilie), mais c'est certainement ce film qui en est la plus grande preuve.
Production Harry Alan Towers de premier ordre, Dorian Gray réunit un casting parfait, empruntant à Visconti l'acteur Helmut Berger dont le magnétisme et la finesse des traits sert à merveille le rôle titre. Herbert Lom (Le Fantôme de l'Opéra, 1961, Les Nuits de Dracula, 1970, Les Dix Petits Nègres, 1974), égal à lui-même, livre un parfait Henry Wotton, on pourrait même aller jusqu'à dire que la prestation de l'acteur Britanique est la plus intéressante du film. Marie Liljedahl (que l'on a pu voir aussi dans Les Inassouvies, un film très soft inspiré des écrits de Sade et lui aussi produit par Harry Alan Towers) n'est ici que de passage dans le rôle naïf de Sybil Vane, mais l'émotion qui émane de son personnage hisse sans peine l'actrice dans ce trio de tête.
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Connu sous de nombreux titres, Dorian Gray, malgré le fait que l'intrigue ne se situe plus au XIXème siècle, mais à l'aube des années 70 (avec tout ce que cela implique sur le plan vestimentaire, artistique et sexuel), reste très fidèle au roman de Wilde, à la trame comme à l'esprit et dénote une esthétique très intéressante. Sulfureux et subversif, le film exploite le physique avantageux de son interprète principal en mettant l'accent sur les débauches auxquelles il s'adonne et qui conduisent son portrait (son âme) à lui renvoyer une image monstrueuse. Le portrait lui-même est au départ plutôt quelconque, Halward semble d'ailleurs être un peintre plutôt médiocre, et n'apparait que peu souvent dans le film, mais les rares scènes qui voient apparaitre des changements sur la toiles sont très évocatrices de la malédiction qui touche Dorian Gray, et la vision finale du portrait et de son sujet réunis est glaçante !
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Joyaux secret du cinéma italien, Dorian Gray (Il dio Chiamato Dorian, The Secret of Dorian Gray...) est une oeuvre délicieusement décadente (comme sa superbe affiche), qui souffre évidemment de quelques faiblesses, mais qui a pour atout de savoir mettre en avant le caractère éternel du Portrait de Dorian Gray et de son propos si scandaleux.

21 juin 2010

Carnosaur

Roman de John Brosnan (sous le pseudonyme de Harry Adam Knight)


Il ne se passe jamais rien à Warchester, c'est du moins ce que pense David Pascal, jeune journaliste au Warchester Times. Il semblerait pourtant que cette année fasse exception : Une série de meurtres atroces sont commis dans le petit comté britanique et tout le monde soupçonne bien vite un animal échappé du zoo privé de Lord Penward, un riche excentrique fasciné par les grands fauves. Peu convaincu par toutes les explications données à la presse et intrigué par une foule de détails inexpliqués, David mène l'enquête et pour se rapprocher du zoo, s'embarque dans une liaison avec Lady Jane Penward, l'insatisfaite et malheureuse femme de Lord Penward. Evidemment, David a à l'esprit une autre femme que Jane, mais cela elle ne doit jamais le savoir, sinon David va apprendre à ses dépend que bien plus que le plus grand des prédateurs ayant foulé ce sol, la vengeance d'une femme trahie peut-être dévastatrice.
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Lorsque l'on évoque Carnosaur, c'est plus souvent le film qu'il a vaguement inspiré qui vient à l'esprit plutôt que l'oeuvre originale. Carnosaur, avant d'être un film réalisé en 1993 par Adam Simon et produit par Roger Corman, est un roman, écrit par l'auteur australien John Brosnan et publié en 1984 (soit 5 ans avant le Jurassic Park de Michael Crichton). On pourrait dire de Carnosaur qu'il est à la littérature ce que la série B est au cinéma sans que cela ne soit péjoratif, puisque cette série B littéraire s'avère être une curieuse découverte, extrèmement divertissante, voire même passionnante, mêlant intrigues policières, histoires de cul, manoirs gothiques et dinosaures.
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John Brosnan mélange les genres, dans cette étrange histoires de dinosaures clonés, ce sont le plus souvent les histoires de fesses qui prennent le pas et les héros de l'intrigue sont pour la plupart assez détestables et animés de basses préoccupations, cependant, voila que traversant des évènements terribles, les protagonistes nous apparaissent de plus en plus attachants, avec leur hypocrisie exacerbée, leur cynisme vomitif, bref, David Pascal n'est pas le gendre idéal, il n'est qu'un être humain. Le personnage le plus sympathique du roman est sans conteste Lady Jane Penward, épouse nymphomane, alcoolique et insatisfaite d'un grand malade adepte du sado-masochisme qui a pour dernière lubie de rendre aux dinosaures leur royaume perdu. Figure pathétique du roman, Jane se laisse avoir par David, pensant qu'auprès d'un jeune homme de 20 ans son cadet elle trouvera consolation, instable elle est sans doute une psychotique marginale, comme le pense David après quelques nuits passées avec elle, ce qui se confirmera par la suite, avec l'arrivée de Jennie, l'ex-petite amie de David encore bien présente dans sa vie.
Et les dinosaures dans tout ça ? Vous aurez compris qu'ils ne sont pas le principal intérêt de cette étude sociologique délirante, à la fois malsaine et jubilatoire, mais force est de constater que Brosnan fait preuve d'une originalité inattendue en incluant dans son roman différentes espèces alors assez peu populaires, telles le Tarbosaurus (cousin asiatique du Tyrannosaure), le Dilophosaurus (élégant théropode qu'on croise plus tard dans Jurassic Park), l'Altispinax (17 ans avant le Spinosaurus de Jurassic Park 3) ou encore le Deynonichus (popularisé par les Raptor quelques 9 ans plus tard). Ces animaux sont amenés de façon étonnamment crédible, si les rapports entre les personnages prètent souvent à sourire pour peu que l'on ne soit pas hermétique à l'humour noir, le discours sur le clonage de Lord Penward se tient, pour peu que l'on ne soit pas spécialiste du génie génétique. Cette joyeuse ménagerie va se retrouver bien sûr en libertée dans le petit comté de Warchester lors d'un final apocalyptique, point d'orgue du roman.
Carnosaur est donc un divertissement d'une grande qualité, une lecture inhabituelle qui permet de découvrir le style simple et fluide de John Brosnan et son imagination débordante, qui tient en haleine jusqu'au bout, faisant de sa courte durée de vie (220 pages) l'un de ses plus grands atouts.

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Puisque je l'ai évoque plus haut, j'ajoute queluqes mots sur le film de Adam Simon, Carnosaur, produit par Roger Corman en 1993.

Comparé à celui du roman, le résumé de ce film serait tout autre, je dirait simplement que du roman de Harry Adam Knight, le film ne retient ni les personnages, ni leurs motivations, ni les lieux, ni même les dinosaures...

Diane Ladd y tient le rôle du Dr Tiptree, qui sous couvert de travaux dans l'agro-alimentaire, ressuscite des dinosaures et met au point un virus, qui une fois inoculé, entraine le développement dans l'utérus des femmes d'embryons de dinosaures. Voila qui est tout aussi délirant sinon plus que la base du roman, et les autres personnages, qui ne sont pas des journalistes ici, mais un gardien de chantier et une jeune militante écologiste sont tout aussi cyniques.
Si on peut reprocher au film des effets spéciaux risibles et son bestiaire limité (un tyrannosaure et un deynonichus, pour ce que l'on peut en voire, qui sont l'oeuvre de John Carl Buechler) en raison d'un budget total restreint de 1 million de dollar (pour la comparaison, Jurassic Park a bénéficié de 63 millions) , et une trame plutôt bancale, il a pour lui l'interprétation douce-amère de Diane Ladd et sa fin extrèmement pessimiste. Certes, Carnosaur n'est pas une adaptation digne de ce nom et certainement pas un chef-d'oeuvre mais un film sombre, une production Corman franchement intéressante, plus en tout cas que les suites qu'elle a engendré et qui ne valent même pas la peine d'en parler.

16 juin 2010

The Black Cat


Réalisé par Lucio Fulci en 1981.
Avec : Mimsy Farmer, Patrick Magee, David Warbeck, Al Cliver...
D'après la nouvelle Le Chat Noir d'Edgar Allan Poe.
Musique composée par Pino Donaggio.

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La jeune photographe Jill Trevers arrive dans une petite bourgade en pleine campagne anglaise où elle fait la connaissance d'un vieux médium, Miles, qui n'a pour seule compagnie que les morts avec lesquels il communique et un chat noir bien étrange. Miles prétend que l'animal veut sa mort et qu'il parviendra tôt où tard à ses fins. Dans le même temps une série d'accident étranges décimes la population du village et l'inspecteur Gorley qui n'est aps insensible au charme de Jill est amené à enquêter sur une affaire des plus étranges...
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Il Gatto Nero se présente avant tout comme une rencontre au sommet entre 2 figures imposantes du fantastique : Edgar Poe et Lucio Fulci. Si le premier est beaucoup plus connu et reconnu que le second, Fulci n'en est pas moins un poète à part entière, peintre à sa façon de l'horreur à l'état brut, on est en droit d'attendre beaucoup de son appropriation de l'une des histoires les plus connues de Poe.
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Souvent considéré comme une réalisation moyenne du parrain du gore, en grande partie pour son absence de scène choc délirantes comme on en trouve dans L'Au Delà, Frayeurs ou House by The Cemetery, pour son manque de grandeur, comparé par exemple au sublime Beatrice Cenci, ou de construction à côté de réussites comme Sette Note in Nero, Il Gatto Nero est souvent rangé au côté des films de moindre importance de l'auteur, comme Manathan Baby, et pourtant, il comprend nombre de critères qui ont fait le succès des chefs-d'oeuvre de Fulci : une ambiance onirique, des décors gothiques magnifiés par une musique étrange (ici le score décalé et entêtant de Pino Donnaggio).
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C'est d'ailleurs ce qui nous touche au premier abord, cette musique, douce et bizarrement peu en phase avec le thème du film, une mélodie superbe au demeurant qui accompagne tout au long du générique les déambulation du chat noir sur les toits. Ce score est à l'image du film dans son intégralité, étrange, déphasé et confortable... trop pour être honnête.
C'est cette ambiance gothique qui rend la vision du film confortable, Fulci sait mettre en valeur ses décors pour servir au mieux le style de Poe, sans pour autant rester fidèle à l'histoire d'origine, puisque comme souvent, le film ne retient de la nouvelle que la fin, une fin qui évoque celle de Sette Note In Nero, qui était déjà très imprégné de l'univers de Poe, comme si Fulci avait cherché à retravailler cette idée, sans chercher à creuser plus profondément l'intrigue de son chat noir.
Le film est servit par l'interprétation de ses acteurs et particulièrement Patrick Magee et Mimsy Farmer, mais c'est surtout le chat porte le film sur ses fragiles épaules. L'animal est en effet mis en valeur de bout en bout du métrage, tout est fait pour que le spectateur n'ait aucun mal à croire que cette boule de poils noirs est une terrible menace, depuis ses immenses yeux jaunes fimés en plan rapprochés, jusqu'aux vues subjectives au raz du sol accompagnées de miaulements glaçants.
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C'est avec une ironie délicieuse que ces miaulements viendront clore le film, comme tout le monde s'en doute, et confirmer que Il Gatto Nero est bien une oeuvre digne d'un Lucio Fulci en grande forme, peut-être un peu assagi, mais qui colle parfaitement à sa thématique gothique, après un magnifique House by the Cemetery, ce Black Cat est le bienvenu.

7 juin 2010

Oscar Wilde et le Cadavre Souriant

Roman de Gyles Brandreth.

En 1883, Sarah Bernardt et Edmond La Grange dominent le théâtre mondial. Déterminé à faire fructifier sa renommée naissante après sa triomphale tournée américaine, le jeune Oscar Wilde se rapproche de ces deux monstres sacrés. Installé à Paris, il travaille avec La Grange à une nouvelle traduction d'Hamlet qui promet de faire des étincelles. Mais pour l'heure, elle fait surtout des victimes... La compagnie La Grange est frappée par une série de disparitions mystérieuses, et Oscar est bien décidé à en trouver le responsable. Entre jalousies artistiques, vices cachés et secrets de famille, le poète dandy découvre l'envers peu reluisant du décors flamboyant du Paris fin de siècle.

Une fois de plus, la plume de Gyles Brandreth nous emporte dans une enquête en plein coeur de l'univers d'Oscar Wilde. En 1883, le jeune Oscar Wilde, prétend au titre de professeur d'esthétique, revenant d'une tournée laborieuse mais triomphale en Amérique, c'est là qu'il fait la connaissance du mystérieux Eddie Garstrang et qu'il retrouve le vieil Edmond La Grange, acteur
et directeur du prestigieux Théâtre La Grange dont Maman, Liselotte La Grange, la mère d'Edmond ne cesse de vanter les mérites et les traditions ancestrales. C'est aussi dès son arrivée à paris qu'Oscar fait la connaissance de Robert Sherard, qui deviendra immédiatement son ami et par la suite son biographe et par la plume duquel Brandreth nous conte cette nouvelle histoire, il croisera aussi sa grande amie Sarah Bernardt, le peintre Jacques-Emile Blanche et son père, le fameux Docteur Blanche.
Encore une fois, tout est vrai... et tout est faux ! Oscar Wilde s'est bien trouvé en tous ces lieux à cette époque, son amitié pour Sarah Bernardt est bien connue, et pourtant, aussi riches et complexes soient les La Grange, leur fictivité n'a d'égal que le scandal qu'aurai causé cette histoire si elle avait été réelle... de toute façon, peut-on réellement se fier à des personnages qui prétendent faire la sieste sur la chaise longue qui a vu mourir Molière ?
Brandreth fait pourtant preuve d'une exactitude minutieuse dans ses description des soirées parisienne, on sent toujrous cette passion qui l'anime, cette aisance remarquable qui le caractérise lorsqu'il s'agit au fil des pages de faire revivre Oscar Wilde, dans cette péridoe d'insouciance où il songe déjà aux doux yeux de Constance Lloyd.
Une superbe préquel qui n'atteint certes pas la flamboyance du Jeu de la Mort, mais qui peut prétendre à la même qualité, suscite les mêmes émotions et nous imerge avec la même facilité, la même virtuosité dans cette fin de XIXème siècle décadente où les acteurs fréquentent ces jeunes hommes qui portent des feuilles de vigne dans leurs boucles blondes.

"A Londres, je fais du surplace;
à Paris, je pourrai avancer
à contre-courant..."

3 juin 2010

The Lost World 1992


Réalisé par Timothy Bond, en 1992.
Avec : John Rhys-Davies, David Warner, Tamara Gorski, Eric McCormack, Nathania Standford, Darren Peter Mercer...
Produit et scénarisé par Harry Alan Towers.
D'après le roman de Sir Arthur Conan Doyle.

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Le professeur Georges Edward Challenger revient d'Afrique où il clame avoir découvert le chemin vers une terre hors du temps où auraient survécu diverses espèces disparues. Une expédition se forme, à laquelle le professeur Summerlee prend part, espérant prouver que ce grand malade de Challenger prend ses rêves les plus fous pour la réalité, suivit d'Edward Malone, un reporter épaulé par le jeune Jim et Jenny Nielson, une photographe féministe et écologiste.
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Avec l'annonce de la sortie imminente du Jurassic Park de Steven Spielberg, Harry Alan Towers se dépêche de mettre en place l'adaptation du Monde Perdu de Sir Arthur Conan Doyle à laquelle il pense depuis un moment. Une adaptation qui a de quoi séduire puisque les interprètes de l'impossible duo, les meilleurs ennemis du monde scientifique, Challenger et Summerlee, ne sont autre que John Rhys-Davies (La Dernière Croisade, Le Seigneur des anneaux...) et David Warner (La Malédiction, La Compagnie des loups, C'était Demain...).

On peut d'hors et déjà noter le caractère très littéraire de cette adaptation, qui reste extrèmement fidèle au texte de Conan Doyle (même si le plateau se situe cette fois en Afrique, mais ceci pour raison économique sans doute) et bénéficie d'un scénario réfléchit même s'il est loin d'être parfait. On peut déceler, dans le choix de John Rhys-Davies une sorte d'hommage au Lost World de 1925, dans lequel Wallace Berry campait le terrible scientifique, la ressemblance est en effet frappante, et John Rhys-Davies en joue clairement en reprenant les mêmes attitudes. Le reste du casting s'en tire tout aussi bien à commencer par David Warner, en géologue condescendant, Eric McCormak en reporter très "cliché" et Tamara Gorski en intrépide photographe de guerre, féministe et écologiste, le jeune Darren Peter Mercer sait quant à lui parfaitement faire face aux poitures qui l'entourent.
Ce que l'on peut regretter, l'absence de Roxton mise à part (un chasseur aurait fait mauvais genre dans le décor), c'est l'absence de dinosaures, qu'on a du tout bonnement oublier d'inclure dans le script ! J'exagère, les dinosaures sont là, on croisera deux hadrosaures photogéniques, des ptérosaures vindicatifs, un carnivore non identifié au museau évoquant un bec d'oiseau et un tyrannosaure un peu trop timide. Seulement, ce bestiaire caoutchouteux est très peu présent à l'écran ce qui nuit parfois à l'action qui reste un peu trop linéaire. Heureusement que Percival, un bébé ptérosaure très attachant est là, même s'il semble ne constituer qu'un élément attractif pour le jeune public qui ne serait pas touché par des dialogues très bien écris.

Le Monde perdu s'achève avec le retour de nos explorateurs à Londres, apportant la preuve de l'existence du monde perdu... ou plutôt rapportant le pauvre Percival qui se retrouvera dans un zoo (heureusement, Jim, accompagné de Malone et Jenny l'en délivrera). Mais tous se sont jurés un jour de retourner au Monde Perdu.
Harry Alan Towers choisi donc d'étirer l'aventure, en produisant Return to the Lost World, obligeant les personnages de Conan Doyle à tenir leur promesse. Toujours remarquablement joué et remarquablement écrit, le film démarre fort, avec l'arrivée sur le plateau d'industriels mandatés par le gouvernement belge (bah oui, quand c'est pas Tintin au congo...) pour extraire le pétrol que recèle cette terre encore vierge. Cette introduction donne lieu au dinamitage cruel et révoltant d'une mère ankylosaure (qui disparait à la minute où elle venait enrichir la faune du film). Recevant l'appel au secour du peuple vivant sur le plateau, Malone et Jenny partent convaincre Challenger et Summerlee d'oublier à nouveau leurs querelles scientifiques et d'honorer le pacte qu'ils ont fait de retourner tous ensemble au monde perdu, pour le sauver !
Cette suite est beaucoup plus rythmée que le premier film, même si elle en reprend les principales caractéristiques ; tous nos personnages sont là, le petit percival (qui a trouvé le chemin du retour, ouf !) est remplacé par un bébé ankylosaure orphelin après la mort de sa mère. mais cette fois, plutôt que de devoir se défendre face à une nature hostile, c'est un ennemi plus dangereux qui attend tout ce petit monde : l'être humain et sa soif de conquête. Aucune évolution dans les effets spéciaux n'est visible et l'utilisation de la musique est toujours terriblement vieillotte (plaisons nous à croire que ça fait partie de l'hommage au film de 1925), mais le plaisir éprouvé à la vision de ce petit (j'hésite à dire "gentil") film est indéniable !

18 mai 2010

Le Diable du Crystal Palace

Roman de Fabrice Bourland
Publié en avril 2010
(ed 10/18, 274 pages)

En Novembre 1936, Andrew Singleton et james Trelawney reçoivent à leur domicile la visite de la belle et mélancolique Alice Grey. Depuis près d'une semaine, le fiancé de la jeune femme, Frederick Beckford, entomologiste au British Museum, a disparu sans laisser de traces. Craignant qu'un malheur ne soit arrivée, Miss Grey implore les détectives de lui venir en aide. Seul indice : un entefilet relatant un accident survenu en pleine nuit entre un taxi et un fauve en liberté, dont la lecture a, semble-t-il, beaucoup troublé Beckford. Si les deux acolytes ont déjà assisté à maints phénomènes extraordinaires au cours de leurs enquêtes, ils étaient loin d'imaginer ce qu'ils allaient bientôt découvrir dans les rues de la capitale britanique. Aidés par le Pr Winwoow, zoologiste réputé pour son extravagance, nos héros vont devoir batailler ferme pour empêcher le XXème siècle de sombrer dans le chaos.

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Fabrice Bourland entraine cette fois ses deux détectives dans une aventures farfelue, toujours inspirée par les romans de Conan Doyle et plus particulièrement The Lost World, et délaisse l'influence victorienne du fantôme de Baker Street pour donner, avec Le Diable du Crystal Palace, un roman de suspens et d'action qui n'est pas sans rappeler certaines aventures du Bob Morane d'Henri Vernes.

Bourland a vraiment le chic pour faire de Londres un véritable terrain de jeu, quand il ne s'amuse pas à y lacher les grandes figures de la littérature gothique qui reproduisent à loisir les cirmes qu'ils n'ont commis jusque là sur le papier, c'est une faune préhistorique qui menace de prendre le dessus sur la civilisation ! L'auteur ne nous gratifie pas, c'est dommage, d'apparitions sauriennes (mise à part lors du final), qui aurait permis une confrontation avec les descriptions d'époques, par souci sans doute de vraisemblance vis à vis du procédé qui permet aux créature disparues (le machairodus ou tigre à dents de sabre, le ptérodactyle ou le pitécanthrope) de revenir hanter le Londres des années 30. Invoquant bien sûr Le Monde Perdu de Sir Arthur Conan Doyle, mais aussi les différentes légendes que l'on trouve à travers le monde à propos d'animaux fabuleux venu du fond des âges et étant parvenu jusqu'à nos jours (inutile de citer la plus célèbre), il nous offre avec le professeur Rufus Winwood le plus curieux spécimen de son roman !

Une lecture très agréable, quoiqu'un peu trop rapide, pour un roman plus réussi que Le Fantôme de Baker Street ou Les Portes du Sommeil, entrainant, drôle et inventif.

16 mai 2010

The House of Usher



Réalisé en 1988 par Alan Birkinshaw.
Avec Oliver Reed, Donald Pleasance, Romy Windsor, Norman Coombes, Anne Stradi...
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A la fin des années 80, Ryan Usher accompagné de sa ravissante fiancée Molly s'en va rendre visite à son oncle Roderick au manoir familiale. Dès leur arrivée sur la propriété les deux jeunes gens ont un accident au cour duquel Ryan est sérieusement blessé. Accueillie au manoir après avoir été assurée que Ryan va bien, Molly fait la connaissance du couple étrange de domestiques, avant de dîner avec Roderick, un tonton sympa...un peu trop pour être honnête.
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La Chûte de la Maison Usher n'en fini pas d'inspirer les cinéastes travaillant dans le monde merveilleux de la série B ! La nouvelle qui a inspiré des chefs-d'oeuvre tels que The fall of the House of Usher (1960) de Roger Corman ou The Blancheville Monster (1963) de Alberto De Martino ou des objets filmiques plus discutables comme le Revenge in the House of Usher (1982) de Jess Franco, se retrouve cette fois entre les griffes du producteur Harry Alan Towers.
Les productions Towers sont souvent, il faut l'admettre d'une certaine qualité, il suffit pour s'en convaincre de voir Ten Little Indians (de Peter Collinson, 1974, avec Charles Aznavour, Oliver Reed, Richard Attenborough, Stephane Audran, Elke Sommer, Herbert Lom, Maria Rohm et la voix d'Orson Welles, quel casting !) ou Phantom of The Opera (de Dwight H. LIttle, 1989 avec Robert Englund). Une version de la chûte de la maison Usher produite à la même période que ce dernier film et bénéficiant de la présence des deux grands acteurs que sont Oliver Reed et Donald Pleasance, tournée dans des décors qui conviennent parfaitement, semble augurer le meilleur.
House of Usher constitue effectivement un spectacle gothqiue plus que décent et une histoire d'épouvante délicieusement kitsh qui tient le spectateur en haleine jusqu'au bout. Oliver Reed dans le rôle de Roderick Usher a tout du gentleman excentrique et légèrement atteint, la carrure imposante de l'acteur apportant en plus au personnage un côté plus inquiétant, puisque Roderick, malgré le mal qui le ronge, est un personnage violent et imprévisible (la scène de la douche est, elle aussi, totalement imprévisible). Donald Pleasance quant à lui se retrouve cantonné au rôle de Walter Usher, le frère de Roderick, reclus dans un donjon et cloué dans un fauteuil roulant, complêtement syphonné et terriblement sympathique (jusqu'à un certain point). Mais le personnage le plus intéressant reste la gouvernante, incarnée par une Anne Stradi qui compose avec les meilleures répliques un rôle touchant, qui rappelle étrangement la gardienne de La Maison du Diable de Robert Wise (1963). Malgré l'intérêt que cette galerie suscite, c'est finalement ce que l'on pourra reprocher au scénariste : trop de personnages, trop d'éléments avec lesquels jongler trop de facettes à explorer, ce qui fait au final qu'on a un peu tout vu sans avoir vraiment tout compris.
Roderick ici a en effet pour but d'évincer Ryan (qui finira enterré vivant évidemment) pour séduire Molly et avec elle redonner de la force à une dynastie consanguine. Personne dans le manoir n'est là pour porter secour à Molly, à part Walter dont l'aide est plutôt discutable, et le suspens est croissant malgré les ressort abracadabrant de l'intrigue. Il est aussi dommage que l'intrigue se situe à la fin des années 80 et non au XIXème siècle, mais on peut considérer qu'un voyage dans le temps s'opère dès lors qu'on franchit les portes du manoir.
Le film offre de belles séquences, comme le cauchemar de Molly qui voit une cérémonie de mariage pour elle et Roderick dans la chapelle Usher baignée de brume à côté du corps de Ryan, le tout accompagné d'une guitare electrique qui participe au caractère délirant de la chose. Au niveau de la bande son, on peut déplorer le manque de grandeur de celle-ci (on est très loin du score de Misha Segal pour Phantom of the Opera), le score se voulant onirique de Gary Chang n'étant pas réellement adapté aux décors de l'intrigue.
Dans la veine de productions comme Edge of Sanity (Gerard Kikoïne, 1989) ou Phantom of the Opera, House of Usher s'inscrit dans l'étrange revival que connu Edgar Poe à la fin des années 80 (Birkinshaw réalisera 2 ans plus tard une version de Mask of the Red Death, tandis que Jim Winorsky, réalisera The Haunting of Morella, produit par Roger Corman et Stuart Gordon s'attaquera à The Pit and the Pendulum produit par Charles Band) et mérite sincèrement d'être vu, en tant que révision loufoque et divertissante du classique de Poe, même s'il se montre parfois obscure et prend d'énormes libertées avec son modèle.

25 avr. 2010

The Countess


Ecrit et réalisé en 2009 par Julie Delpy.
Avec Julie Delpy, Daniel Brühl, William Hurt, Sebastian Blomberg...
Musique composée par Julie Delpy.

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Veuve héritière de la fortune et de l'armée de son époux qu'elle gère avec maestria, Erzebet Bathory jette son dévolu sur le jeune Istvan Thurzo. D'un amour passionné mais contrarié qui lui aura, un court instant fait connaître le bonheur, la comtesse ne garde que l'amertume : éprise d'un adolescent à la peau lisse, elle remarque avec horreur que son corps de femme mûre est marqué par l'empreinte du temps. Sombrant dans la folie après le départ de son amant, elle se persuade que le sang pur des vierges lui rendra sa jeunesse...
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Biopic très attendu, The Countess est presque l'oeuvre d'une seule femme, en effet, Julie Delpy écrit, produit, réalise, compose la musique et interprète le rôle titre de ce film qui derrière une apparence plus que crédible de film historique, dissimule un habile et touchant portrait de femme.

La figure d'Erzebet Bathory hante le folklore vampirique et rarement métrage n'a été aussi juste dans son traitement que The Countess. Julie Delpy s'émancipe de l'image que donnèrent les classiques des années 70 comme Countess Dracula de Peter Sasdy ou les Contes Immoraux de Borowczyk, pour appréhender la figure dans toute sa profondeur, ainsi la narration ne se centre à aucun moment sur les hypothétiques meurtres mais s'emploie à dévoiler petit à petit la personnalité de son personnage central, à lui attribuer des raisons autres que sa propre vanité. Erzebet Bathory est dépeinte comme une femme volontaire et moderne, forcément frustrée par la sociétée du XVIème siècle, trouvant satisfaction dans la crainte qu'elle inspire. Sans la victimiser pour autant, Julie Delpy redonne au personnage une humanité perdue, remplacée par des siècles de légende.

Filmé en Roumanie et en Allemagne, The Countess dénote une grande sobriété au niveau des décors, les intérieurs restreints donnent un caractère intimiste au drame et les costumes, une certaine austérité, certainement peu éloignée de la mode de l'époque. Dans ce cadre si minimaliste et pourtant si enchanteur auquel colle parfaitement le score musical délicat, Delpy/Bathory envahit l'écran et peu de place est laissée au reste du casting. Avant d'être une meurtrière obsédée par sa jeunesse perdue, Erzebet est une femme malheureuse et surtout amoureuse, ce qui donne lieux à des scènes dures et bouleversantes comme celle de la mèche de cheveux de Thurzo qu'elle dépose au creux d'une entaille sur son sein ; les métaphores dont use Julie Delpy sont à l'image du film, subtiles et efficaces.


Mais la grande efficacité du film réside en ce doute qui parvient quand même jusqu'à notre esprit, éveillé par une image d'Erzebet étendue dans sa chambre au fenêtres murées, ayant recouvré sa beauté... un relicat de légende qui apporte une certaine poésie à cette oeuvre si troublante.
Brillant portrait de femme, The Countess est certainement le film le plus juste et le plus poignant jamais réalisé sur cette figure ô combien tragique qu'est Erzebet Bathory, une femme qui savait que s'il est agréable d'être respecté, admirable d'être craint, il est vital d'être aimé.

12 avr. 2010

When Dinosaurs Ruled The Screen ; le génie de Willis O'Brien et Ray Harryhausen

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Depuis les balbutiement du cinéma, les dinosaures fascinent les artisan du 7ème art, ce qui a donné lieu à un certain nombres de grand classiques, depuis The Lost World (Harry Hoyt, 1925) jusqu'au spectaculaire Jurassic Park (Steven Spielberg, 1993). Le pionnier de cette petite histoire du cinéma, c'est Willis O'Brien !
Ayant servit de guide à des paléontologues ou ayant sculpté pour eux des figurines en argile, Willis O'Brien s'intéresse très jeune à l'animation et le lien est vite fait ! Son premier film The Dinosaur and the Missing Link (1917) lui permet d'être engagé par la compagnie Edison pour d'autres court-métrages du même acabit. Il réalise aussi le surprenant Ghost of Slumber Mountain (1918) qui en guise de final nous montre la lutte d'un cératopsien contre un prédateur géant. Mais l'oeuvre qui marquera le début d'une grande carrière est bien entendu The Lost World (1925) inspiré du roman de Sir Arthur Conan Doyle ! Enorme succès public et critique, Le Monde Perdu est surtout une superbe prouesse technique permettant la présentation de quelques espèces de dinosaures dans un milieu "naturel".



Une famille de tricératops
La fameuse bataille fantasmée entre un mégalosaurus et un brontosaurus scientifiquement douteux.




La récession économique qui touche les Etats Unis empêche, malgré le succès de The Lost World, la réalisations de plusieurs projets tout aussi conséquents, comme Création (1931) qui restera inachevé et dont ne subsistes que quelques minutes. Le film ne présente pas un scénario très poussé, néanmoins, l'étrange beauté des images et des situations (une mère tricératops défendant son petit) et la qualité de la stop-motion s'avèreront une grande source d'inspiration pour King Kong (1933) qui reste l'un des plus gros succès de la RKO !
Le combat mémorable de Kong contre le Tyrannosaure de Skull Island qui évoque étrangement un match de catch.
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Travaillant sur Mighty Joe Young (1949) pour lequel il se verra attribuer l'oscar mérité des meilleurs effets visuels, il bénéficie de la collaboration de son protégé et successeur, Ray Harryhausen dont on connait l'immense carrière (depuis Mighty Joe Young jusqu'au Choc des Titans de 1980). Cette collaboration sonne presque comme une consécration pour le jeune Ray Harryhausen qui depuis sa première vision de King Kong, se passionne pour la reconstitution et l'animation d'animaux préhistoriques ou fantastiques. En guise de premier essai, Harryhausen réalise Evolution en 1938 (dont le titre est évidemment une extension de Création), un pseudo documentaire, sans aucune explications montrant la promenade d'un sauropode dans la jungle, puis l'attaque d'un cératopsien par un carnivore efficace, des scènes simples que l'ont retrouvera, toujours plus convaincantes au fil de la filmographie de l'artiste.


Parmi les belles réussites sauriennes d'Harryhausen, compte évidemment la dangereuse ménagerie de One Million Years B.C (1966, Don Chaffey). La Hammer se lance dans l'aventure préhistorique et engage pour cela le plus grand nom du genre. Si Raquel Welch en bikini léopard n'est pas des plus convaincante en bimbo des cavernes très 60's, il en va autrement pour les différentes créatures que Harryhausen confectionne et anime, fidèle à ses premières amours. Ainsi, on s'écartera pour laisser passer un imposant Brontosaure, guest star qui le temps d'un caméo nous rappelle le brouillon, Evolution, et sa beauté balbutiante.


Lutte pour la survie : L'homme et l'Allosaurus ou 150 millions d'années d'écarts effacés par la magie du cinéma.


Le film racontant une lutte de classe improbable à une époque indéterminable dans laquelle se rencontrent Dinosaures, êtres humains et insectes géants, est prétexte à une série de séquences ou la stop-motion est au service de duels à mort, comme le long et spectaculaire combat qui oppose un tricératops et un cératosaure dans un festival d'inexactitudes scientifiques qui se trouvent excusées par le bordel régnant dans cette réalité parallèle dépeinte par cette production fort sympathique.



Les ptérodactyles de One Million Years B.C se disputant Raquel Welch et le ptéranodon coloré de La Vallée de Gwangi .


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Le film qui pour moi reste l'un des plus représentatif de la phase dinosaurienne du travail de Ray Harryhausen est La Vallée de Gwangi (1969), version élaborée de Beast of hollow Mountain (1956, un projet que chérissait Willis O'Brien malheureusement décédé en 1962). Croisement audacieux entre un western et Le Monde perdu, La Vallée de Gwangi met en scène une troupe de cirque en quête de nouvelles attraction dans une vallée mexicaine que tout le monde dit maudite. Le film donne lieux à de superbes scènes et à de belles trouvailles : Harryhausen crée pour le film une jolie reconstitution de l'Eohippus (cheval de l'aube) un équidé primitif de 50 centimètres très mignon par lequel toute l'aventure commence. Mais la star du film est bien entendu Gwangi, un féroce Allosaurus bleuté dont les apparitions sont inévitablement ponctuées de hurlements.

Gwangi contemplant différentes proies, avant d'être capturé par la troupe et exhibé dans un cirque, la filiation avec Le Monde perdu ou King Kong étant évidente, l'animal brisera ses chaines pour semer la terreur dans la ville avant de connaitre une bien triste fin.
Plus de tricératops ici, mais un styracosaure coriace



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The Valley of Gwangi marque une évolution formidable pour les dinosaures au cinéma et se permet même l'introduction d'un nouvelle star du grand écran : L'Ornithomimus. C'est en effet la première apparition dans l'histoire du cinéma de ces dinosaures autruche, 24 ans avant Jurassic Park et les splendides citation que fait Spielberg à l'ensemble de l'oeuvre de Willis O'brien et Ray Harryhausen : On pense évidemment à cette magnifique attaque des Gallimimus (cousins de l'ornithomimus) par le Tyrannosaurus Rex qui reprend à l'identique la scène de première rencontre avec Gwangi ou les déambulation anxieuses de la mère Tyrannosaure dans San Diego (Le Monde Perdu, 1997) qui trouveront une fin plus heureuses que celle de son modèle de 1969.


24 ans avant Jurassic Park, un ornithomimidé courait déjà vers la gloire.

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