7 août 2010

Alucarda

Réalisé par Juan Lopez Moctezuma en 1975.
Avec : Claudio Brook, Tina Romero, Susana kamini, David Silva...

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Mexique, 1850. Une femme accouche dans un temple abandonné, d'une enfant, Alucarda, sous les yeux d'un faune, avant de rendre son dernier soupir en glorifiant le diable dont elle est sous l'emprise. Quinze ans s'écoule, Justine, une jeune orpheline fait son entrée au couvent, et partage la chambre d'Alucarda avec laquelle elle se lie d'une profonde amitié... Alucarda, victime de ses penchants morbides, va entrainer Justine dans une spirale infernale à l'issue funeste.
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Voila un film bien singulier que cet Alucarda au titre évocateur.
Moctezuma, ne traite pourtant pas de vampirisme dans son film, même si les allusions sont nombreuses, comme lorsque visitant le temple abandonné, Alucarda et Justine profanent la tombe d'une certaine Lucy Weston, qui serait en fait la mère d'Alucarda, réveillant ainsi la malédiction. La manière dont Alucarda se rapproche de Justine, lui faisant jurer qu'elles resteront éternellement ensemble, n'est pas sans évoquer la séduction de Carmilla, sa persuasion et son envoutement vis à vis de ses compagnes, et enfin, la vision d'une Justine perdue, se régénérant dans un cercueil rempli de sang est assez explicite.
Alucarda n'est pas un film d'horreur à proprement parler, même si les scènes de violence graphique sont nombreuses, c'est une oeuvre qui lorgne beaucoup plus vers le surréalisme et que des maîtres comme Arrabal ou Jodorowsky n'auraient pas reniée. Comme souvent dans le cinéma surréaliste, Alucarda fait preuve d'une irrévérence assez exacerbée vis à vis des convictions chrétiennes, utilisant l'idée de la possession pour donner lieu à des débauches érotico-sanglantes qui ne sont pas sans rappeler le délire des nonnes autour de la figure diabolique dans Love Letters of a Portuguese Nun de Jess Franco (1977), en beaucoup plus outrancier. L'horreur le dispute à la beauté esthétique dans ce conte dont les scènes semblent tirées des tableaux des grands maîtres classiques.
Moctezuma condamne l'intolérance religieuse, en sublimant l'homosexualité féminine et en révélant, par le changement de couleur de l'habit des nonnes, qui du blanc passe progressivement au vermeil, les stygmates d'une lutte vaine et meurtrière qui souillent le corps et l'esprit. Il s'emploie à mettre en lumière les pires dérives du fanatisme, et met en opposition à l'église le personnage du Dr Oszek... qui finira pourtant, convaincut du mal qui ronge Alucarda et Justine, par utiliser l'eau bénite. Ce n'est pas la religion même que Moctezuma condamne, mais bien les actes terribles qu'implique le fanatisme, notamment les atrocités de l'inquisition.

Justine, qui est quasiment ici l'héroïne pervertie de Sade, qui quitte son état de pureté pour s'abîmer dans le mal et Alucarda, qui à bien des égards rappelle la Carmilla de LeFanu, forment un antithétique duo de marionnettes dont les ficelles sont tirées par le diable en personne, dans cette oeuvre étrange, qui ne manquera pas de fasciner le spectateur, avec ce marriage si efficace d'horreur et de poésie.