29 oct. 2010

I, Monster


Réalisé par Stephen Weeks en 1972
Avec Christopher Lee, Peter Cushing, Mike Raven, Richard Hurndale, George Meritt, Susan Jameson, Kenneth J. Warren...
D'après le roman de Robert Louis Stevenson.

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Le Dr Marlowe s'intéresse de près à la psychanalyse et aux théories de Freud, auxquelles il n'adhère pourtant pas. Travaillant sur une drogue qui altèrerai les effets du "super-ego" (qui assimile les lois, crée le remords et la culpabilité), il pense faire en sorte que ses patients en acceptant leurs pulsions, s'acceptent eux-même. Il s'avère que chaque patient réagit différemment, et de manière plutôt excessive. Curieux de savoir ce qu'ils en éprouvent, Marlowe s'injecte une petite dose de sa drogue... Mais bien vite son corps et son esprit vont en réclamer beaucoup plus, et un 'antidote sera inutile.
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C'est à nouveau à une production Amicus à laquelle je m'intéresse ici : une énième adaptation de l'Etrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde, par le britanique Stephen Weeks. Le film arrive sur les écrans après deux productions Hammer sur le sujet, et non des moindres : The Two faces of Dr Jekyll (Terence Fisher, 1960) et Dr Jekyll & Sister Hyde (Roy Ward Baker, 1971), ce qui ne l'empêche pas, tout en étant de facture plus classique de se montrer plutôt audacieux et esthétiquement beau.
Ce qu'on peur reconnaitre d'emblée comme un atout de I,Monster, ce sont ses décors: reconstitution d'un quartier de Londres dans un vaste studio, intérieurs richement décorés etc. et la musique de Carl Davis qui passe d'un mélo appuyé à un grotesque prononcé, selon qu'on se trouve en présence de Marlowe (Lee/jekyll) ou de Mr Blake (Lee/Hyde).
Autre qualité notable est celle d'avoir lié Jekyll (qui vous l'aurez compris s'appelle Marlowe dans le film) à la psychanalyse, ce qui donne lieu à un discours fort intéressant, surprenant même. Stephen Weeks et son scenariste Milton Subotsky palient aux carences budgétaires en étoffant cette piste, ce qui s'avère salvateur pour le film, qui aurait pu devenir une bête série B parmi tant d'autres.
S'il faut parler d'atout majeur, c'est bien évidemment vers le casting qu'on se tourne, puisque le film propose en vedette Christopher Lee dans le rôle du Dr. Bien sûr, on peut reprocher à Weeks un écueil que Fisher avait su éviter (Lee jouait dans The Two Faces, mais à la surpris générale n'interprétait pas Jekyll), mais il serait malséant de ne pas reconnaitre à Christopher Lee un jeu impeccable comme à l'accoutumé, que l'on remarque d'autant mieux que le maquillage est plutôt minimaliste : Lorsque Marlowe devient Blake, le visage de Lee ne se fent, pour seul signe de tranformation, que d'un rictus délirant, soulignant l'amoralité de son alter égo, littéralement content d'être méchant.
Richard Hurndale dans le rôle d'un Lanyon vieux-jeu livre une prestation des plus honorable, mais c'est Peter Cushing, dans un second rôle pourtant très présent, qui l'éclipse littéralement lorsqu'il se trouve à l'écran et donne au personnage de Frederick Utterson une importance phénoménale, ce qui a du pousser Weeks à donner le dernier mot à Cushing et non à Hurndale dans la séquence finale.


La particularité de I, Monster, au regard des autres adaptations est aussi et surtout de ne pas mettre en scène d'histoire d'amour contrariée, ainsi que c'est souvent le cas : les sentiments humains tiennent finalement fort peu de place dans la vie de l'égocentrique Dr Marlowe. Le film en ressort plus froid, et le discours, plus efficace.
L'ensemble évidemment peut manquer quelque peu de grandeur, mais cette adaptation trop méconnue de Jekyll & Hyde signée Amicus Productions talonne de près ses ainées Hammeriennes.

27 oct. 2010

And Now The Screaming Starts !

Réalisé par Roy Ward Baker en 1973.
Avec : Peter Cushing, Herbert Lom, Patrick Magee, Stephanie Beacham, Ian Ogilvy, Geoffrey Whitehead, Norman Mitchell...
D'après le roman de David Case, Fengriffen.

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Angleterre, 1795, Catherine s'apprête à épouser Charles Fengriffen, héritier du vaste domaine Fengriffen. Lorsqu'elle arrive au manoir, elle est immédiatement fascinée par le portrait d'un ancêtre, Sir Henry Fengriffen. Mais alors qu'elle regarde le portrait, elle est assailie de visions cauchemardesques ; commence alors pour elle une lente descente aux enfer qui la mènera au terrifiant secret des Fengriffen.
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Encore une fois, c'est d'un film de Roy Ward Baker dont il est question ici : L'adaptation du roman gothique Fengriffen, de David Case, produite par la Amicus, firme concurrente de la Hammer.
Certes la Amicus n'a jamais jouit ni du succès ni de la réputation de la Hammer, mais on peut lui reconnaitre quelques belles réussites (I, Monster, Le Jardin des Tortures, le Sixième Continent...), même si leur production reste moindre en comparaison de celle de la grande Hammer Film.
And Now the Screaming Starts, malgré sa prestigieuse distribution et Roy Ward Baker aux commandes n'a jamais été considéré autrement que comme un relicat grand guignolesque du cinéma gothique anglais. C'est pourtant un statut que ne mérite pas ce film, dont les efforts pour restituer une ambiance oscillante entre Rebecca et Le Chien des Baskerville, le caractère très littéraire, la musique (très téléfilmesque au demeurant, de Douglas Gamley), les décors etc. sont hautement appréciables.

Il faut avant tout voir dans And Now the Screaming Starts l'un des derniers sursauts de l'épouvante gothique, un chant du cygne qui laisse beaucoup plus de place que ses aînés à la violence graphique. Sans parler de réelle terreur, le film parvient à susciter une certaine tension, grâce à un scénario très habile, reposant sur le traditionnel jeu "est-elle folle ou victime d'une malédiction ancestrale ?" qui prouve une fois de plus son efficacité.
Mais le principal atout de And Now the Screaming Starts, est évidemment, en dehors de ses décors et de son ambiance : son casting ! Ian Ogilvy (The Witchfinder General) et Stephanie Beacham (Dracula AD 1972) forment le couple central : lui obséder par le fait d'avoir un héritier, elle rendue cinglée par des phénomènes étranges. Patrick Magee (The Black Cat) en médecin dépassé. Herbert Lom (euh... là yen a trop) en ancêtre dépravé et maudit, dans une séquence révoltante.

Et bien sûr, faut-il encore le présenter : Peter Cushing. L'acteur le plus flegmatique du monde incarne le très strict Dr Pope, pionnier dans le domaine de la psychiatrie (serait-ce un léger anachronisme ?), dans une composition extraordinaire (on pense bien sûr au rôle que tiendra plus tard Barbara Steele dans Dark Shadows revival). Il constitue à lui seul une excellente raison de voir le film!
Bien sûr, Peter Cushing ne fait pas tout, et on pourra sourire du ridicule de certains effets de terreur (un spectre plutôt rigide, ou cette main coupée qui se ballade de temps en temps dans les couloirs et qui semble annoncer qu'une mort est proche...)
Faut-il pour cela bouder And Now the Screaming Starts (pour ça ou parce que ce titre est vraiment fatigant à répéter)? Et passer à côté d'un digne représentant (l'un des derniers) de l'âge d'or du cinéma gothique anglais ? Certes non, pourvu qu'on soit séduit par cette ambiance si particulière, ces costumes, ces décors (aaah ce petit cimetière baigné de brume) et ces acteurs. Je ne dis pas un mot à propos du dénouement des plus surprenant (une apothéose), de cette honorable adaptation du court mais complexe roman de David Case.

25 oct. 2010

Dr Jekyll & Sister Hyde

Réalisé par Roy Ward Baker en 1971.
Avec : Ralph Bates, Martine Beswick, Gerald Sim, Lewis Fiander, Susan Brodrick...
Musique de david Whitaker.
Scénario de Brian Clemens, d'après le roman de R.L. Stevenson.
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Le Dr Jekyll, jeune et brillant scientifique est obsédé par l'idée de vieillir ou de tomber malade, et poursuit des recherches sur une potion qui prolongerai la vie. Le jeune homme s'enferme nuit et jour dans son laboratoire, au rez-de-chaussée d'une pension londonienne, et même s'il n'est pas insensible au charme de Susan Spencer, sa jolie voisine, son travail le prive de toute distraction. Un soir, pensant avoir touché au but, il teste le résultat sur lui-même... sans penser une seconde que le concentré d'hormones féminines qu'il vient d'ingérer pourrait avoir d'autres effets que celui de soigner.
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Réalisé par Roy Ward Baker (Les Cicatrices de Dracula, The Vampire Lovers... le réalisateur décédé le 5 octobre 2010 à l'âge de 93 ans a apporté une contribution non négligeable au cinéma) pour la myhtique Hammer, Dr Jekyll & Sister Hyde est probablement l'une des plus grandes réussites du studio au regard de la période (70-75) qui l'a vu naître. Souvent boudés, les films produit par la Hammer après 70 sont pourtant bien plus chatoyants que ceux produits aux alentours de 65-67, et des réalisateurs comme Peter Sasdy ou Roy Ward Baker ont largement participé à ce regain de peps
Tourné à peu près en même temps que Hands of the Ripper, de Peter Sasdy, et dans des décors similaires, Dr Jekyll & Sister Hyde traite presque du même sujet au fond, puisque c'est bien le mystère Jack l'Eventreur qui se voit donné une louable explication par les voies de la fiction (Brian Clemens, avec son scénario préfigure ici les romans à venir, mélant Sherlock Holmes ou Dracula à l'enquête). C'est donc ici, vous l'aurez compris, l'alter ego féminin de Jekyll, qui se rend coupable des crimes, commis dans la brume insondable de Whitechapel (magnifiques décors, somptueuse photographie, et score formidable de David Whitaker, l'ambiance est simplement parfaite !)

Au niveau de l'interprétation, on peut saluer le couple de choc, réuni dans un même corps : Ralph Bates, dandy à l'improbable coupe 70's et à l'expression sévère, dont le Jekyll névrosé est diablement queer, et Martine Beswick (on note une sacrée ressemblance lorsqu'ils sont habillés de la même façon), femme fatale dans tous les sens du terme, qui semble beaucoup s'amuser de son rôle : un esprit d'homme dans un corps de femme. Eclipsant sans difficulté le reste du casting, les deux acteurs évoluent avec une facilité déconcertante dans leur rôle, et les apparitions impromptues de Sister Hyde sont à chaque fois Jubilatoire.
Si le film ne manque pas d'un certain humour (noir le plus souvent), Baker n'en fait pas pour autant une comédie, le pastiche est élégant et l'issue en est bien sûr la tragédie.

Sombre et délicieusement déviant, Dr Jekyll & Sister Hyde fait partie des joyaux de la période post 70 par trop sous-estimée, de la Hammer, à ranger à côté de Hands of the Ripper de Peter Sasdy ou The Vampire Lovers, lui aussi du regretté Roy Ward Baker.