26 déc. 2011

Lady Frankenstein



Réalisé par Mel Welles en 1971.

Avec : Rosalba Neri, Joseph Cotten, Paul Muller, Herbert Fux...

Scénario de Edwardo Di Lorenzo.

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Depuis des années, le professeur Frankenstein s'échine à donner vie à un être de sa création, sans succès. Fraichement diplomé de l'institut de Genève, sa fille Tania lui propose une aide qu'il refuse, craignant pour sa progéniture. Epaulé de son fidel assistant Charles, il parvient à réanimer un être monstrueux qui le tue avant de prendre la fuite. Un instant effondrée, mais assez vite remise, Tania jure de poursuivre les recherches de son père contre vents et marées...

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Du bis en veux-tu en voila ! Mel Welles a révisé ses classiques, de la Universal des années 30 à sa Hammer contemporraine, il sait lui ce que signifie "gothique" au cinéma, et il le prouve avec cette réjouissante série B qui cultive un aspect référenciel curieux.

Lady Frankenstein n'a rien d'un film de monstre Universal, pas grand chose d'un film de la Hammer et encore moins d'une adaptation du roman de Mary Shelley, et a pourtant beaucoup de choses pour plaire, à commencer par une variation majeure : le personnages principal, n'est pas ici un savant fou, mais bien une savante folle! La lady du titre évolue dans un décors à faire pâlir un fantôme anglais, entre murs de pierres, cheminées gigantesques, chauve-souris baladeuses et toiles d'araignées qu'on pourrait confondre avec des draps. Esthétiquement beau et étonnament timide côté érotisme malgré une certaine réputation, La Figlia di Frankenstein mérite bien un coup d'oeil.




Interprétée par Rosalba Neri (magnifique), arborant des toilettes somptueuses et une détermination à toute épreuve, Tania Frankenstein aurait pu rejoindre directement le panthéon des grandes figures de l'horreur si la réputation du film ne restait pas encore à faire. Joseph Cotten ne s'en sort peut-être pas aussi bien dans le rôle de son père, le baron vieillissant. L'acteur, pensant peut-être interpréter le personnage dans une adaptation traditionnelle se montre assez peu rassuré quant à la qualité de l'ensemble, et on l'entendrait presque penser très fort : "mais qu'est ce que je fous ici moi?". Paul Muller, figure incontournale du bis transalpin délivre une composition honorable, aussi rigide et aussi bonne qu'à l'accoutumé.

Evidemment, on ne peut pas nier le caractère farfelu de ce film qui fut peut-être une source d'inspiration pour le Flesh for Frankenstein de Paul Morrissey. On ne peut pas non plus passer outre l'a-peu-préosité de certaines scènes, ou leur ridicule (la créature du baron qui se balade dans la campagne, la trogne désaxée par un éclair mal tombé, et jette une fille nue dans un torrent), mais il y a quelque chose de fort agréable dans Lady Frankenstein, outre son interprète principale. Serait-ce son ambiance (le château gothique à souhait, la neige...) ou simplement sa modestie, son ton bon-enfant malgré un scénario qui aurait pu s'autoriser plus de polissonnerie?

Une chose est sûre, Lady Frankenstein n'a rien d'un joyau, c'est tout au plus un bijou fantaisie, un pur produit bis, mais dont le plaisir d'une seconde vision égale celui de la découverte!

21 nov. 2011

Sherlock Holmes contre Jack l'Eventreur


Réalisé par James Hill en 1965.
Avec : John Nevill, Donald Houston, John Fraser, Anthony Quayle, Barbara Windsor, Adrienne Corri, Frank Finlay, Judi Dench, Robert Morley...

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Lorsque Sherlock Holmes apprend que deux protituées ont été sauvagement assassinées dans le secteur de Whitechapel, et que les deux crimes présentent de nombreuses similitudes, sa curiosité le pousse à s'intéresser à l'affaire. Aussi, quand le gouvernement fait appel à lui, il n'hésite pas une seconde. Son enquête l'entraine sur une piste surprenante qui le mène des bas-fonds aux quartiers les plus riches de Londres.

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Un Sherlock Holmes épais comme une aiguille à tricoter, rigide et énigmatique, le visage émacié cerclé d'une aura de fumée due à un tabagisme des plus actifs... Non, il ne s'agit pas de l'immense Peter Cushing qui prêta son visage au détective dans Le Chien des Baskerville de Fisher et plusieurs téléfilms, mais de John Neville, acteur dont on se souvient plus facillement pour son interprétation du Baron Munchausen, décédé le 19 novembre dernier. L'acteur, agé ici de 40 ans incarne un Holmes proche de la perfection, dans une extrapolation des écrits de Conan Doyle, qui oppose le célèbre détective à Jack l'Eventreur.

Autant le dire tout de suite, il y a fort peu de défauts à mettre en avant concernant A Study in Terror, sinon peut-être une très libre version de l'affaire Jack the Ripper, qui reste une bien faible entrave au plaisir de la vision.

James Hill, dont il s'agit sans conteste ici d'une des oeuvres maîtresses fait évoluer un casting des plus prestigieux dans une atmosphère très hammerienne (mais le film n'a rien à voir avec le studio). On la le plaisir de trouver Frank Finlay dans le rôle de l'instpecteur Lestrade, rôle qu'il reprendra dans Murder by Decree, dont le postulat de départ est identique à celui de A Study in Terror, (avec cette fois Christopher Plummer et James Mason en tête d'affiche), ainsi qu'Adrienne Corri (le Hammer film Vampire Circus, Orange Mecanique de Kubrick...), une toute jeune Judi Dench, un John Fraser dont la beauté rappelle aussi un peu un autre personnage hammerien, le Baron Meinster des Maîtresses de Dracula (interprété par David Peel), et Donald Houston dans le rôle d'un Watson qui envoie sans difficulté Nigel Bruce au tapis. Le seul bémol au sein de cette remarquable composition concerne peut-être Robert Morley en Mycroft trop volubile. Notons cependant que l'acteur souvent associé à "l'establishment" interpréta Oscar Wilde en 1960, se retrouvant aux côtés de John Neville qui lui, interprétait Lord Alfred Douglas.


L'étalage de ce beau monde est un argument de poids, mais il aurait été parfaitement vain si Hill et ses scénaristes n'avaient pas ménagé le suspens d'une enquête palpitante, qui prend place qui plus est dans une magnifique reconstitution du Londres victorien. Certes, les libertés prises avec la chronologie des meurtres, le mode opératoire du tueur, la liste des suspects etc. sont indéniables, tout autant que la rigueur avec laquelle sont dépaints Holmes et Watson ce qui rééquilibre la balance.

A Study in Terror propose en effet une conclusion quelque peu décevante, trop anecdotique comparée à celle que proposera Murder by Decree en 1979, mais il ouvre en quelque sorte la voie à ce dernier, et demeure dans tous les cas un superbe cross over, plus holmesien que ripperien.

15 nov. 2011

Oscar Wilde et le Nid de Vipères

Roman de Gyles Brandreth



Impeccable dandy à l'élégance excentrique, Oscar Wilde ne manquerait jamais une soirée mondaine en compagnie d'Arthur Conan Doyle. Surtout si elle est donnée par l'une des femmes les plus en vue de Londres, la duchesse d'Albemarle. Mais la mort brutale de leur hôtesse entraine les deux brillants compères dans une enquête au plus près des secrets de la couronne.




Cette quatrième entrée dans la série des Oscar Wilde's Murder mysteries se déroule en 1890 et rappelle par bien des aspects le brillant Jeu de la Mort (qui lui prend place en 1892), ne serait-ce que par la présence encore une fois aux côtés de Wilde, de Conan Doyle et de Bram Stoker. D'ailleurs, clin d'oeil probable à Stoker qui commence ici à s'intéresser de près aux vampires auquel il consacrera "le plus beau roman du siècle", le roman adopte la forme épistolaire et celles des journaux et carnets des différents protagonistes.

Si les enquêtes précédentes devait s'adapter au caractère indolent de notre cher Oscar, celle ci rompt brutalement le rythme instauré auparavant. Plus question ici de trainer au Savoy sur des pages et des pages ! Même si Wilde ne peut se passer d'un repas convenable (qui se résume souvent pour lui à une boutielle de Perrier-Jouët) avant de mettre en branle ses cellules grises, c'est sans compter ici sur le dynamisme d'un Arthur Conan Doyle omniprésent, qui secoue de temps en temps son ami absorbé dans ses mots d'esprits.

Comme je l'ai dit plus haut, le roman emprunte au Dracula de Stoker sa forme littéraire, et un peu plus que cela, puisqu'un petit tour au cimetière avec le club des vampires de Londres va apporter au récit une petite dose vaguement fantastique (D'ailleurs, Oscar ne serait-il pas un peu le vampire qui tenta de ravir à Bram, Florence Balcombe, la plus jolie fille d'Angleterre ?). La présence d'un vampire dans l'histoire, qui va d'ailleurs troubler (et pas qu'un peu) Oscar, semble déterminer en quelque sorte l'orientation de la saga, puisque le prochain tome s'intitule "The Vampire Murders".

Si l'intrigue, remarquablement complexe au départ -faisant intervenir Charcot et son discours sur l'hystérie, les coucheries du Prince de Galles, les vampires de Londres et les danseuses du Moulin Rouges- se clot de manière trop discrète, malgré le génie d'un Oscar que Brandreth continue de dépeindre magistralement à travers Robert Sherard, elle réserve de nombreuses surprises et The Nest of Vipers est encore une fois une lecture formidable, tant les protagonistes nous sont devenus familiers !

26 sept. 2011

The Strange Case of Dr Jekyll and Miss Osbourne

Réalisé par Walerian Borowczyk en 1981
Avec Udo Kier, Gérard Zalcberg, Marina Pierro, Howard Vernon, Patrick Magee...
D'après le roman de Robert Louis Stevenson.

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Alors que l'on célèbre les fiançailles du docteur Henry Jekyll et de miss Fanny Osbourne, la soirée prend une sombre tournure. Alors que Jekyll s'absente, un invité signal le viol de l'une des convives ; il semblerait que l'un d'eux soit un maniaque. S'engage alors un jeu de cache-cache dans toute la maison pour échapper à Edward Hyde...

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Lorsque Stevenson rédigea le premier jet de ce qui deviendrai plus tard L'Etrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde, sa fiancée, Fanny Osbourne se montra parait-il très choquée du propos et du contenu. La petite histoire veut que Stevenson ait jeté cette première version au feu pour écrire le roman que nous connaissons. L'idée de Borowczyk (Les Contes Immoraux, La Bête) est donc, probablement ici de se rapprocher de ce qu'aurait éventuellement put donner cette première version, ce work in progress avorté qui choqua tant Miss Osbourne, qui devient pour l'occasion l'une des protagonistes du récit.


Le charme malsain de la bourgeoisie hypocrite, mourante, indécente est ici mis en exergue par un Borowczyk visiblement très inspiré, mais aussi handicapé par une limite budgétaire que l'on ne devine que trop. La photographie est crue, le décors exigü, ce qui au final devient l'atout d'un huis-clos étrange, à l'atmosphère ouateuse. Inscrivant son film dans le sillon trash de Blood for Dracula et Flesh for Frankenstein (Paul Morrissey, 1974) via la présence de Udo Kier, qui traine ici sa beauté translucide de dandy soufreteux, le réalisateur soigne le reste d'un casting très "bis" avec un Howard Vernon (Le Silence de la Mer, L'Horrible Dr Orloff, Alphaville...) et un Patrick Magee (Le masque de la Mort Rouge, le Chat Noir, Demons of the Mind...) tout deux en grande forme et enfin une Marina Pierro (La Morte-Vivante, Intérieur d'un Couvent...) qui garde ses vêtements plus longtemps qu'à l'accoutumé. N'oublions pas le trouble fête, le Hyde incarné par Gerard Zalcberg (Les Prédateurs de la Nuir, Parking...) dont le faciès particulier est très reconnaissable et se prète à ce genre de rôle, l'homme restera pourtant tout au long de sa filmographie relégué à l'arrière plan (les rôles de portier inquiétant ou d'homme de main bizarre).


Cette idée de faire jouer Jekyll et Hyde par deux acteurs distinct, en plus de nous éviter une nouvelle scène de transformation mal-foutue comme on en a trop vu, permet de faire aisément la distinction entre les deux personnalités, on ne peut blamer Jekyll pour les agissements de Hyde. On évite aussi le côté Dorian Gray, et l'idée que ce Hyde inquiétant serait le vrai visage d'un Jekyll lisse et d'aspect attrayant. A cette preuve de bon gout et à un attachement à rendre sa reflexion le discours de Stevenson la plus claire possible, Borowczyk ajoute sa touche personnelle et inévitable, l'aspect transgressif et outrancier qui le caractérise avec un cynisme bienvenu. Sa Miss Osbourne succombe à la théorie de Jekyll, et les deux amant, quittant les lieux du massacres s'adonnent à une dévoration mutuelle et passionnée qui constitue le long et magnifique point d'orgue de ce chef-d'oeuvre méconnu et encore trop ignoré de nos jours.


7 sept. 2011

Dr. Jekyll & Mr. Hyde (1980)



Réalisé par Alastair Reid en 1980.
Avec David Hemmings, Lisa Harrow, Clive Swift, Ian bannen, Diana Dors, Roland Curram, Desmond Llewelyn, Toyah Willcox...
scénario de Gerald Savory, d'après le roman de Robert Louis Stevenson.

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Le Dr Jekyll s'intéresse de près à la dualité de l'Homme et pense au terme de ses recherche pouvoir dissocier le bien et le mal qui cohabitent en chaque être humain. Sûr de lui, il finit par tester son procéder sur sa propre personne.

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Il s'agit ici d'une adaptation assez méconnue du roman de Stevenson dont l'intérêt principal est de bénéficier de l'interprétation de David Hemmings. L'intérêt principal certes, mais pas le seul ! Comme souvent avec les productions de la BBC, il faut s'attendre à un travail appréciable sur le plan technique comme littéraire. Certains reprocherons à ces films leur aspect statique, le côté studio un peu artificiel, parfois préjudiciable il est vrai, mais participant bien souvent à leur charme.

Dr Jekyll & Mr Hyde version 1980 n'échappe pas à la règle et on a clairement vu des mises en scènes plus folichonnes malgré l'originalité que tente d'apporter Alastair Reid en filmant ce que l'on devine être le point de vue de Jekyll/Hyde en pleine transformation. Ce qui choque le plus, c'est l'aspect involontairement kitsh de l'ensemble : les flacons et autres cornues du laboratoire de Jekyll contiennent des liquides tous plus colorés et plus flashy les uns que les autres, et surtout la musique, grosse faute de goût commise pas Dave Greenslade, soupe pseudo-psychédélique au synthé qui cadre difficilement avec l'ambiance victorienne très travaillée du téléfilm. Moins kitsh mais totalement raté est le maquillage de David Hemmings lorsqu'il se transforme, heureusement que l'acteur en est débarrassé dans la majeure partie du film qu'il soit Jekyll ou Hyde.

Ces petits défauts mis à part, il faut tout d'abord reconnaitre que Hemmings s'en sort très bien dans le rôle du vieillissant et stricte Dr Jekyll comme dans celui du jeune et libertin Mr Hyde. Comme l'a fait Fisher avant eux (ainsi que Jerry Lewis), Reid et Savory inversent la tendance et prètent au mal un visage, et des manières plutôt agréables: difficile de détester le Hyde/Hemmings, mielleux et cynique en société. Pourtant le réalisateur et son scénariste on chargé la mûle en prêtant à l'alter égo du bon docteur des tendances pédophiles.

Le reste du casting ne brille malheureusement pas avec l'éclat de David Hemmings, sauf peut-être Lisa Harrow, la fiancée du sage et sévère Dr Jekyll qui se trouve séduite par l'ambigu, le ténébreux, le mystérieux, l'hédoniste Mr Hyde.

Cette version de l'étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde laisse donc une impression mitigée, malgré une peinture de l'East End douloureusement convaincante et un couple central (presque un trio!) dont l'évolution est assez inédite et très intéressante. Le rythme souffre de sévère baisses de régimes, même si les deux heures passent facilement, il manque clairement au film les moyens de son ambitions. Jugé carrément ennuyeux par certains, ce Dr Jekyll & Mr Hyde mérite au contraire qu'on lui accorde le temps d'un visionnage : ses défauts n'effacent pas ses qualités et il serait dommage de manquer une belle performance de David Hemmings, de ne pas reconnaître le travail de l'équipe sur les décors et de ne pas saluer l'originalité bienvenue dont fait preuve Savory à l'égard d'un filon qu'on pensait devenu stérile à force d'exploitation.

5 sept. 2011

Making History



Roman de Stephen Fry; 1996

Parution Française : 2009 (les Moutons Electriques)

Folio SF 2011 ; 645 pages.



Le choc frontal entre Michael Young, thésard en histoire à Cambridge, et le professeur Zuckermann, vieux physicien obsédé par l'une des périodes les plus sombres du XXème siècle, va changer l'histoire - littéralement. Mais pour cela il faut aussi compter sur une pilule miracle, sur le rival oublié d'un petit teigneux autrichien et sur la fatale élasticité du temps. le pire n'est jamais certain, mais le mieux ne se trouve pas forcément non plus où on l'attendait...

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Et si Hitler n'avais jamais existé ? C'est la question que pose malicieusement Stephen Fry avec Making History. Le monde s'en porterait-il mieux ? Ou un autre aurait-il assumé son rôle dans l'histoire, un autre plus charmant, plus démago, plus insidieux...

Plus complexe que ça, l'intrigue captivante imaginée par Fry se révèle sans faille, diablement distrayante, et remarquablement intelligente.

Il n'est pas aisé pour tout écrivain de tenir en haleine avec ce genre de sujet quand il ne relève pas des intérêts profond du lecteur, mais c'est sans compter sur la facilité avec laquelle Stephen Fry nous fait croire à ses personnages. Passant d'une comédie romantique, à l'évocation d'une tragédie historique, puis à une uchronie des plus angoissante, l'auteur dévoile doutes et craintes sur la société. Plus qu'un roman de science-fiction, c'est un discours touchant sur l'amour qu'il faut voir dans Making History, une nouvelle démonstration que seul le présent compte; "le présent et l'amour" comme le réalise Mickael.

L'Histoire est ce qu'elle est, si elle avait été autrement nous ne serions pas ce que nous sommes ou peut-être serions-nous justement inévitablement les mêmes, comme le professeur Zuckermann, qui porte le fardeau d'une culpabilité qui dans une réalité comme dans l'autre est toujours présent ("Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles" voila une phrase de Leibniz que tout le monde connait mais que tout le monde devrait reconsidérer et s'affranchissant du discours ridicule de Voltaire).

Brillante réflexion sur la relativité de l'existence, mais aussi bel exercice de style, surprenante évocation des classiques du cinéma et histoire d'amour décalée, Making History est la meilleure façon de découvrir la plume Stephen Fry. Le roman s'apprécie d'autant plus lorsque l'on connait déjà un peu la délicieuse personnalité de son auteur.

26 août 2011

Le Cauchemar de Dracula


Réalisé par Terence Fisher en 1958.
Avec Christopher Lee, Peter Cushing, Michael Gough, Melissa Stribling...
Scénario de Jimmy Sangster d'après le roman de Bram Stoker. Musique écrite et dirigée par James Bernard.


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Jonathan Harker se rend au château de Dracula pour s'occuper de l'imposante bibliothèque du Comte. ce n'est bien sûr qu'une couverture, disciple de Van Helsing, le jeune homme entend bien mettre fin au règne de terreur du vampire. Mais son plan ne se déroule aps comme prévu, distrait par une séduisante succube, il laisse s'enfuir le comte qui se lance à la poursuite de sa fiancée Lucy.



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Pas moins de 3 films inspirés ou adaptés du Dracula de Bram Stoker sortent sur les écrans en 1958. Le premier est le dernier sursaut de la production américaine dans le genre avant une vingtaine d’années ; Le Retour de Dracula de Paul Landres, film en noir et blanc, peu inspiré mais qui acquerra un petit statut culte en raison d’une scène qui montre une giclée de sang rouge, contrastant avec le noir et blanc du film. Le second est un film mexicain, assez peu connu chez nous et pourtant excellent : Les proies du Vampire de Fernando Mendez, dont Dracula est absent mais qui reste fortement marqué par l’influence du roman de Stoker. La véritable réhabilitation de Dracula à l’écran se fera à la fin de l’année 1958 avec une production estampillée Hammer Films et signée Terrence Fisher : Le Cauchemar de Dracula, mettant en scène Christopher Lee dans le rôle du comte Dracula, Peter Cushing dans le rôle du professeur Van Helsing et Michael Gough (futur Alfred dans les Batman de Tim Burton) dans le rôle d’Arthur Holmwood.


Le film ne recevra malheureusement pas un accueil chaleureux dans nos contrées ou il sera descendu par la critique, en effet Gilbert Salachas, qualifiera l’exploitation de ce film dit « De terreur » de « proprement scandaleuse » et ajoutera « le cinéma est un art noble, et aussi hélas, une école de perversion : un moyen d’expression privilégié pour entretenir ou même créer une génération de détraqués et d’obsédés !». les Cahiers du cinéma eux se contenterons de 2 lignes anonymes et de totale mauvaise foi : « Si la comédie anglaise ne fait plus rire personne, on ne saurait en dire autant de ce film, techniquement peu abouti de surcroit". Il est vrai que la France est à l’époque quelque peu en retard sur le plan cinématographie et surtout fantastique, Jean Cocteau et Jacques Tourneur occupent vaguement le terrain et le public a en quelque sorte oublié le personnage de Dracula venu d’outre atlantique sous les traits de Bela Lugosi, il est vrai qu’entre temps il y a eu la guerre. Mais il ne faut pas longtemps pour que le film gagne autant d’admirateurs que de détracteurs. Parmi eux le regretté Jean Boullet, ami de Cocteau, de Juliette Greco ou encore de Sacha Guitry. Boullet ne tarit pas d’éloge quant au cinéma de Fisher et il le justifie pleinement par des commentaires hautement plus constructifs que ceux de mauvais alois des Cahiers du Cinéma. Un allié français de choix donc pour l’exploitation du film gothique britannique qui deviendra le fleuron d’une jeune génération, partisane d’un autre cinéma et peu concernée par la portée aux nues des cinéastes de la nouvelle vague ; un nouveau genre de cinéphile est né et Dracula se paye une résurrection en grande pompe et ce presque une fois par an sous la caméra des réalisateurs de la Hammer.


Fisher a déjà offert deux films autour du mythe de Frankenstein (respectivement en 57 et 58) quand il s’attaque à celui de Dracula. Le Cauchemar de Dracula revisite avec brio l’œuvre de Bram Stoker, les personnages évoluent dans un univers victorien de toute beauté, la qualité esthétique du métrage n’est aujourd’hui plus contestable, et la psychologie des protagoniste se dessine clairement sous la caméra de Fisher qui joue avec leur émotions d’une manière à la fois inquiétante et jubilatoire ; il est clair que ce monsieur a un talent de conteur indéniable et les libertés qu’il prend avec le matériau d’origine passent très bien. Parmi les amateurs de genre de l’époque, beaucoup ont considéré ce film comme une vulgaire resucée du film de 1931, lui prétextant un caractère racoleur assurant au film un succès auprès d’un large public, notamment auprès des adolescents. Le fait est que le parti pris de Fisher est d’érotiser le vampire, le magnétique Christopher Lee n’a ici rien à voir avec le statique Bela Lugosi, et campe le vampire avec autant de classe, mais avec beaucoup plus de mesmérisme. Si Le Cauchemar de Dracula survit à l’assassinat critique, ce n’est pas à cause de son immortel personnage, mais grâce à son succès populaire, le public désirant (honteusement parfois) en voir bien plus que ce qui était montré à l’époque (l’érotisme sous-jacent et désuet de La Féline de Jacques Tourneur avec Simone Simon ne suffit plus). En bref, si pour Dracula, le sang est la vie, l’amour aussi. L’affiche originale du film évoque très bien la proximité entre l’amour et la mort, la dualité entre la violence, l’horreur de l’acte vampirique et l’abandon total de la victime (consentante) à ce Dom Juan ténébreux.


Une réussite flamboyante à voir et à revoir !

24 août 2011

Those who Hunt the Night

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Roman de Barbara Hambly

Publié en 1988.

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Les vampires de Londres sont les victimes d'un chasseur implacable, qui durant le jour vient ouvrir leur cercueil pour les exposer aux raysons du soleil et les réduire en cendres. Aucun vampire ne peut supporter la clarté du jour, aucun d'entre eux ne peut se lancer à la poursuite du "meurtrier", il leur faut donc l'aide d'un mortel... Le mortel en question sera le professeur Asher qui aura la désagréable surprise de trouver un soir chez lui Don Simon Ysidro, l'un des plus vieux vampires de Londres, venu lui demander son aide. Asher est contraint d'accepter, car le vampire malgré son extrème courtoisie sait se montrer persuasif, et c'est sous la menace de voir sa fiancée enlevée que le professeur commence son enquête...


L'intrigue se situe dans le Londres post-victorien, aux alentours de 1908, une période charnière qui voit de grands changements dans la capitale, et qui, pour les vampires, conservateurs de natures aurait été assez pénible. Barbara Hambly, dilétante en à peu près tout est une grande passionnée d'histoire (principalement médiéval, mais visiblement pas que) et dépeint merveilleusement l'ambiance de l'époque. Son approche des vampires n'est pas sans évoquer Anne Rice (certains cherchent le pouvoir, d'autres atteignent un haut niveau de sagesse), mais le cadre et le caractère presque policier de l'intrigue renvoie à tout un pan de la litterature néo-gothique et fantastique de la fin du XIXème siècle, le vampire Ysidro d'ailleurs se permet à plusieurs reprises de citer Bram Stoker, non sans une certaine ironie.


A une intrigue ingénieuse, complexe et qui retombe adroitement sur ses pattes, Hambly ajoute des personnages principaux très attachants, James Asher, philologue et linguiste, qui s'attache tout au long du roman à comprendre la façon dont vivent et pensent les vampires, à percer ce que cache les yeux couleur champagne, sans expression de Don Simon, Lydia, la fiancée de James, diplomée de médecine, qui voit dans le vampirisme une altération du sang, une mutation biologique plutôt qu'autre chose, et bien sûr Don Simon Ysidro, vampire serrein, agaçant parfois par son absence d'expression, décrit comme le portrait délavé d'un noble espagnol auquel le temps aurait retiré les couleurs : cheuveux blanx, yeux ivoires, teint d'albatre. Asher se heurte souvent au ton monocorde du vampire lors de leurs conversations avant d'apprendre à dicerner ça et là des nuances qui lui révèlent peu à peu l'homme qu'Ysidro a été. Les seconds rôles bénéficient eux aussi d'un traitement appréciable, de nombreuses description viendront étoffer cette galerie de personnages que l'on aimera ou que l'on détestera.


Par ailleurs, le style de Barbara Hambly est remarquable. Ceux qui comme moi ont essuyé la deception causée par ces deux tentatives manquées au sein de la série de roman Star Wars (Les Enfants du jedi et La Planète du Crepuscule) ne doivent surtout pas s'arrêter là dessus, car ce serait manquer le talent d'une fine plume.


Difficile de lacher Those who Hunt the Night une fois le nez dedans ! Splendide hommage à la littérature gothique, enquête passionnante au sein d'un univers riche et remarquablement décrit, il se pose comme l'un des meilleurs roman sur les vampires, du moins le meilleur qu'il m'ait été donné de lire depuis un bon moment ! C'est donc avec un enthousiasme certain que je conseille cette lecture, et que je vais très vite retrouver James, Lydia et Simon dans le second tome ; Traveling with the dead !

22 août 2011

Demons of the Mind



Réalisé par Peter Sykes en 1972.
Avec Robert Hardy, Shane Briant, Gillian Hills, Yvonne Mitchell, Patrick Magee, Kenneth J. Warren...

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Bavière, début du XIXème siècle, le comte Zorn, veuf et depressif enferme son fils et sa fille dans leurs appartement respectifs, les empêchants de se voir, pensant que leur attraction mutuelle les conduirait à l'impensable.


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Voila un bien étrange film venant d'une Hammer en quête de renouveau ! Réalisé par Peter Sykes (To the Devil a Daughter, 1976, avec Christopher Lee et Nastassja Kinski), Demons of the Mind se présente comme une énième variation sur le thème de la demeure maudite, de la lignée gangrénée par la folie. La thématique n'a presque jamais été explorée par le studio avant cela, et ne le sera pas d'avantage par la suite, et il faut reconnaitre à cette unique tentative une certaine fraicheur.





Alors que la longue et désormais ennuyeuse saga Dracula s'éteint le moins paisiblement du monde (en 73 le comte vampire versera même dans l'espionnage à la James Bond), la Hammer offre certaines de ses plus belles réussites (citons en vrac Hands of the Ripper, Twins of Evil, Dr Jekyll and Sister Hyde, The Vampire Lovers, Frankenstein and the Monster from Hell...) et soyons clair, Demons of the Mind n'a jamais été considéré comme en faisant partie. Pourtant, j'oserai affirmer qu'au niveau purement technique, il se situe quelques échelons au dessus de la plupart des productions du genre de l'époque (le soporifique Black Torment, le grand-guignolesque And Now the Screaming Starts...). Mais l'intérêt de Demons of the Mind ne réside pas uniquement dans ce fait. Outre un décors principal magnifique (l'habituel Manoir gothique qui prend ici des allures de petit château), le film propose un clash intéressant entre la conception ésotérique et la conception scientifique de l'alienation mentale. Comme dans And Now the Screaming Starts, c'est par l'intermédiaire d'un pionnier de la psychiatrie (ici Patrick Magee, que l'on retrouve, mais dans un autre rôle dans le film de Roy Ward Baker) que cet aspect nous est montré.



Le film de Peter Sykes développe aussi l'idée d'une suggestivité accrue suite à un traumatisme. Les deux enfants (l'ambigu Shane Briant et la plus fade Gillian Hills) souffrent d'une mélancolie extrème et éprouvent une attirance irresistible l'un pour l'autre depuis le suicide de leur mère. Le père persuadé qu'il est la cause du malheur, que son sang est vicié, les confortent finalement dans leur névrose, en les enfermant, en pensant les protéger d'un pécher terrible, alors qu'ils ont simplement besoin l'un de l'autre pour pallier l'absence d'une mère. L'explication demeure simpliste, le film, trop court développe trop confusément ce qui pourtant fait tout son intérêt ce qui nuit grandement à la clarté de l'ensemble, ne laissant au spectateur que l'aspect esthétique et l'interprétation sans faille des acteurs sur lesquels se reposer.



Mais comme toujours, s'agissant d'un Hammer Film, on ne peut nier que c'est là de la belle ouvrage. Ne faisant pas intervenir une once de fantastique, ce conte proprement gothique a de quoi séduire et pour peu que la thématique vous intéresse, il fera j'en suis sûr une belle découverte.

16 août 2011

Paganini


Réalisé par Klaus Kinski en 1989.
Avec Klaus Kinski, Nisolai Kinski, Debora Caprioglio, Dalila Di Lazzaro, Eva Grimaldi, Bernard Blier, Marcel Marceau...

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Ce film est une évocation très libre de la vie de Niccolo Paganini.

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Klaus Kinski est une personnalité insondable, tout au long d'une carrière plétorique, il a enchainé les tournages en fonction presque uniquement du rapport durée/salaire, choisissant de préférence les plus courts et les mieux payés sans distinction qualitative, se retrouvant à l'affiche de toute sorte de productions qui par sa seule présence acquièrent un petit statut culte. Pour que l'homme s'attèle à l'écriture et passe derrière la caméra en plus de se réserver le rôle titre, c'est bien que le projet lui tenait véritablement à coeur.

"Paganini" est en effet un projet que Kinski chéri depuis un bon moment, alors que sa carrière et sa santé battent de l'aile à la fin des années 80. C'est après le refus de Herzog de prendre les rênes, que Kinski se met en tête de réaliser lui-même le film, il est à ce moment là sur le tournage de Nosferatu à Venise, Augusto Caminito, le producteur promet à l'acteur de produire son film, à condition qu'il termine Nosferatu à Venise. Cette fausse suite du Nosferatu d'Herzog restera tristement célèbre pour avoir été totalement et consciencieusement bousillée par Kinski qui en décourageant trois réalisateur à la suite ruine quasiment Caminito, qui par dépit laisse la caméra à l'acteur fou.



Le budget de Paganini ne semble pas monumental, mais malgré tout, le film semble parfaitement répondre aux ambitions et à la folie de Kinski. Dès la première séquence, dans laquelle le jeu de Paganini déclenche un orgasme collectif dans la salle de concert, on sent que l'on se trouve devant une oeuvre bien singulière, pour ne pas dire un film de malade !

L'écriture cinématographique de Kinski est minimaliste, laissant très souvent le biopic virer à l'expérimental. Le casting finalement n'occupe qu'une place infime au sein de cette fresque bizarroïde, de laquelle n'émerge vraiment que la figure de Kinski/Paganini et dans une moindre mesure celle de son fils Nicolai/Achille. On croisera pourtant la jolie Dalila Di Lazzaro, Bernard Blier, et même le mime Mime Marceau.

Kinski ne joue pas Paganini, il EST Paganini, et parvient à nous éblouir de sa rage créatrice, à nous entrainer dans sa spirale baroque, avec cette oeuvre frénétique, sans temps morts, dans laquelle la cohérrence trouve difficilement sa place, alors que ça et là, Kinski insère quelques passages narratifs, quelques dialogues éparses, dont la simplicité renforce l'idée que son but était plutôt l'émotion pure, un but atteint lors de la dernière, majestueuse, séquence.

Paganini fut le premier film que réalisa Kinski, et il fut aussi le dernier qu'il interpréta avant son décès en 1991. Très mal reçu à la fois par le public et la critique en 1989, Kinski Paganini apparait aujourd'hui comme une curiosité, une expérience cinématographique à la fois étrange et passionnante, dans laquelle on reconnait certainement bien plus Klaus Kinski que Niccolo Paganini.

5 juil. 2011

Sang Royal

Bande dessinée publiée chez Glénat (2 tomes).
Scénario d'Alejandro Jodorowsky.
dessin de Dongzi Liu.

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Blessé, trahi et laissé pour mort, le roi Alvar jure de reprendre son trône et ses droits. Le coeur écrasé par une haine sauvage, il sème la folie et la terreur autour de lui, noyant son désir de vengeance dans une tempête de sang et de larmes.
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Sang Royal est la nouvelle fresque épique imaginée par Alejandro Jodorowsky. S'il fallait définir cette oeuvre aussi brève que majestueuse, on pourrait la qualifier de drame shakespearien malade, l'évocation en un éclair de ce qui aurait pu être une mythologie fascinante, une tragédie sanglante en deux actes trop chargés, une développement débridé, trop rapide, en bref, Sang Royal est une oeuvre baroque !

Dès les premières planches, le ton est donné, le sang coule à flot, les personnages, dont les caractères se résument à quelques vices, sont tous plus vils et plus malsains les uns que les autres. Si Alvar s'attire au départ notre sympathie, les excès qu'il met en oeuvre pour récupérer un royaume et une femme que lui a dérobé son frère nous sont vite insupportables. mais le scénario de sang Royal ne s'arrête pas à cette simple reconquête du pouvoir et s'en va explorer des thèmes chers à Jodorowsky, mais qui furent beaucoup mieux traités dans Borgia, sa précédente pépite.

Ainsi la destinée d'Alvar va le conduire vers un incestueux second mariage qui suscitera la jalousie de sa première et perfide épouse Violena. Chacun à son tour déchaine sa rage sur son prochain avec une cruauté et une complaisance sans borne, si l'amour tente parfois de s'extirper de cet entrelas tripier, il est aussitôt noyé dans un balais de chair et de sang.


Mais si Sang Royal ne brille pas par un scénario prétexte, qui entasse sur deux tomes les lieux communs de la tragédie classiques, aspergés d'hémoglobine, semance etc. La BD est remarquable de par le trait, d'une élégance rare de l'artiste chinois Dongzi Liu. Chaque planche est un régal visuel, qui associé à des dialogues extrèmement bien écrits (même si parfois trop littéraires) nous fait oublier qu'il ne s'agit là que d'une fable éclair aux excès violents parfois insoutenable.

Au final, Sang Royal laisse au lecteur le souvenir d'une trame majestueuse mais bancale, de personnages magnifiques mais répugnants, d'une histoire fourre-tout mais étrangement attirante dont l'indigence est palliée par des qualités graphiques indéniables. Une oeuvre en constant déséquilibre, non dépourvue de qualités donc, mais à laquelle on préfèrera nettement Borgia.

22 mai 2011

Moriarty : Menace fantôme

Professeur Moriarty par Sidney Paget (gravure parue dans the Strand)

Professeur James Moriarty est connu pour être la nemesis de Sherlock Holmes, son grand ennemi, doté d'une intelligence égale sinon supérieure, le Napoleon du crime pour reprendre la description faite par Holmes dans le premier récit faisant apparaître le personnage. Ce premier récit, "The Final Problem" devait, comme son titre l'indique, être aussi le dernier pour le grand détective, mais comme chacun sait, il n'en fut rien !


Au terme de l'enquête, Holmes et son ennemi de toujours (qu'il n'avait pas pris la peine de mentionner auparavant) sont précipités dans les chutes de Reichenbach alors qu'ils sont engagé dans une lutte à mort. Pour nombre de lecteurs frustrés, ce grand méchant sorti d'on ne sait où ressemble plutôt à une combine pour se débarasser d'un personnage devenu trop encombrant pour Conan Doyle... et on serait tenté de croire à cette hypothèse.


A ce stade du canon Holmesien, Watson prétend n'avoir jamais entendu parler de Moriarty, mais étrangement dans The Valley of Fear, publié plus tard, mais se déroulant avant the Final Problem, Moriarty est mentionné, et Watson semble s'en rappeler comme "The famous scientific criminal". S'agirait-il là, de la part de Conan Doyle de justifier, avec le retour de son détective (dans The Empty House, où le voile sur sa disparition est levé), l'apparition de Moriarty, de la rendre moins soudaine, de nous dire que l'homme a déjà frappé, et bien frappé, et qu'il n'est pas étonnant qu'il ait alors une telle réputation auprès de Sherlock Holmes? Vous avez dit Bancale ? D'autant plus que dans The Final Problem, Watson évoque le frère de Moriarty, qui se nommerait James, et que plus tard, dans The Empty House, Holmes fait référence à son ennemi disparu sous le nom de Profeseur James Moriarty : une source d'amusement pour les lecteurs qui se demande si toute la fraterie Moriarty répond au nom de James! Le Napoléon du crime, disparu aussi vite qu'il est apparu ne sera plus que vaguement mentionné par la suite, pour ses tentatives de mettre fin aux jours de Holmes.


Pourtant, cette figure diabolique, qui n'occupe pas les affaires les plus intéressantes qu'ait résolu Sherlock Holmes, est devenu un incontournable de la mythologie holmesienne, une pièce centrale et une source d'inspiration pour nombre d'auteurs et de réalisateurs, admirateurs de l'oeuvre de Conan Doyle. Si la source d'inspiration pour le personnage demeure incertaine (le criminel Adam Worth semble l'hypothèse la plus plausible au regard du visage que paget prète au personnage, mais on évoque aussi Simon Newcomb, astronome et mathématicien de génie qui aurait acquis une réputation de véritable requin, n'hésitant pas à réduire à néant la carière et la réputation de ses rivaux), les suppositions sur son origine diégétique vont bon train! J'accorde pour ma part un certain crédit à celle de Nicholas Meyer, freudienne et cruellement ironique dans The Seven-per-cent Solution.


Moriarty bénéficie aussi d'interprètes de choix au cinéma comme à la télévision : Laurence Olivier, tout droit sorti de la gravure de Paget, mais aussi d'un esprit embrumé par la cocaïne dans l'adaptation de The Sevent Per Cent Solution (1976), Anthony Higgins, mentor d'une élégance et d'une beauté surnaturelle dans Le secret de la Pyramide (1985), mais aussi Eric Porter (disciple de Freud dans Hands of the Ripper) face à Jeremy Brett dans la série TV produite par Granada (1984-1994). On évitera de s'attarder sur l'interprétation d'Anthony Andrews dans le très moyen La Main de l'Assassin, qui s'avère être des moins inspirées et fait penser à l'alter ego cartoonesque de Moriarty dans la série crée par Miyazaki (1984-86), dans laquelle il est inévitablement derrière chaque crime.



Le professeur Moriarty, Napoléon du Crime, ennemi juré de Sherlock Holmes, issu probablement du désire de Conan Doyle de mettre un terme, provisoire, aux aventures du grand détective, recèle de riche potentialité qui n'ont pas finies d'être explorées, en espérant que Guy Ritchie, avec A Game of Shadows, propose au moins une vision acceptable, et pourquoi pas inventive du personnage qui sera cette fois interprété par Jared Harris (le décevant Dr Ashford de Resident Evil Apocalypse, et plus récemment, Lane Pryce dans la série Mad Men).

18 mai 2011

Affinity

Réalisé par Tim Fywell en 2008.
Avec Zoe Tapper, Anna Madeley, Amanda Plummer, Caroline Loncq, Anna Massey, Vincent Leclerc...

Scénario d'Andrew Davies d'après le roman de Sarah Waters.

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Margaret, une jeune femme de la haute société britanique décide après la mort de son père de devenir dame patronnesse au pénitencier de Millbank. Elle y fait la connaissance de Selina, une jeune médium enfermée pour escroquerie et agression. Entre les deux jeunes femmes se tisse un lien obscure entre désir et fascination.

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Adaptation fidèle du roman éponyme de Sarah Waters, Affinity décrit subtilement la quête d'idéale d'une jeune femme pour qui le mariage n'évoque rien d'attirant. Entre les murs d'une austère prison victorienne, nous assistons à la naissance d'une relation ambigüe, à la lutte contre la société et ses carcans étouffants.

Tim Fywell se montre beaucoup plus audacieux et inspiré que pour son Turn of the Screw, même si sa caméra est plutôt incertaine, il prouve qu'avec un budget restreint, on peut encore sortir du lot des productions britanniques à la sauce XIXème.


La grande qualité de ce film, outre sa photographie léchée et la beauté de son histoire c'est son interprétation, Anna Madeley en tête dans le rôle de Margaret, prisonnière de sa sphère familiale, de sa mère qui voudrait la voir épouser un crétin qu'elle déteste, de son frère qui lui a ravie sans le vouloir son amour de jeunesse pour en faire sa femme, mais aussi Zoe Tapper, la jeune médium Selina Dawes, fragile mais manipulatrice doublement prisonnière, de Millbank, comme des esprits qu'elle invoque et qu'elle ne contrôle pas si aisément.

Le film propose une belle reflexion sur la portée du spiritisme et sa signification à l'époque, ainsi qu'une belle reconstitution avant démystification d'une séance très impressionnante. Tourné comme un huis clos, l'intrigue voyage entre deux principaux lieux, la demeure de Margaret, et le pénitencier.

Millbank, est selon Sarah waters le lieu idéal pour une romance trouble aux accents gothiques, et il semble qu'elle ait raison, le lieu, à l'atmosphère suffocante a quelque chose d'ensorcelant, d'empoisonnant, qui colle parfaitement au jeu de confiance et de séduction auquel s'adonne les deux protagonistes.

Histoire d'amour et de manipulation, Affinity est un film trop méconnu, envoutant, troublant, à l'esthétique soignée. Comment ne pas s'attacher aux personnages, comment ne pas croire à ce lien si fort qui uni les deux femmes, et comment ne pas tomber des nu devant une conclusion aussi cruelle qu'inattendue?

17 mai 2011

Masque of the Red Death 1991


Réalisé par Alan Birkinshaw en 1991
Avec Herbert Lom, Michelle McBride, Brenda Vaccaro, Frank Stallone, Christine Lunde, Simon Poland...
D'après un sénario dans lequel on mensionne vaguement Poe.

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Rebecca, jeune journaliste débutant dans la presse à scandale, parvient à se fofiler dans une fête privée grace à une fausse invitation. Mal lui en a pris, un tueur fou masqué de rouge a décidé de s'en prendre aux convives, prisonniers du château à leur insu.

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Il ne s'agit en aucun cas ici du sublime Masque de la mort Rouge réalisé par Roger Corman en 1964, ni même du remake produit par le même Corman en 1989, mais d'un film, produit par Harry Allan Towers (aucun mal à ça), réalisé par Alan Birkinshaw (The House of Usher 1988) et qui n'entretient que très peu de rapports avec Edgar Allan Poe et la nouvelle originale.

Birkinshaw est déjà l'auteur d'une adaptation de Poe pour le compte de Harry Alan Towers - homme qu'on ne présente plus et dont la qualité des productions est assez alléatoire (mais qui ira dénigrer l'Appel de la Forêt avec Charlton Heston?) - lorsqu'il réalise ce Masque of the Red Death. Autant House of Usher était un film déroutant mais pas détestable, un peu fourre tout, autant dire louf-dingue, autant celui ci est poussif, prévisible, et s'il est amusant, ce n'est qu'involontaire.


Monstrueusement kitsh, le film commence avec une introduction vaguement inspirée du coeur révélateur, avant de partir en quenouille dans une salle de bal surchargée ou toute une faune se trémousse sur une soupe rock'n'troll dans des costumes aux couleurs nauséeuse : le bon goût n'est pas dans les parages.

Il ne serait pas vraiment utile de présenter les personnages, mais on peut néanmoins remarquer que Herbert Lom semble bien fatigué dans le rôle de Ludwig (l'hôte de tout ce petit monde), un milliardaire qui pour tromper l'ennuie s'est dégotté une très jeune actrice répondant au nom de Colette (Christine Lunde dans un numéro hilarant de cabotinage dans un français approximatif, rien que pour elle le film vaut le détour!). Le reste du casting hormis Michelle McBride (Rebecca) n'est là que pour étoffer le body count à venir.

Mais même le massacre n'éveille pas l'intérêt, au fil de la nuit, un à un, les invités se font assassiner selon des techniques qui évoquent parfois Poe, parfois non (une décapitation au pendule, ça compte ?), le tout est amené sans suspens, le spectateur a le choix entre le rire et le baillement, Poe ne cesse de se retourner de tous les côtés, quant à savoir qui est le meurtrier, les soupçons se portent immanquablement sur le ridicule, mais il parait qu'il ne tue pas.

20 avr. 2011

De Sade

Réalisé par Cy Endfield en 1969.
Avec Keir Dullea, Lilli Palmer, Senta Berger, Anna Massey, John Huston...


Scénario de Richard Matheson, inspiré de la vie et de l'oeuvre du Marquis de Sade.



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Alors qu'il est de retour au château familial, le marquis de Sade n'est accueilli que par son oncle, l'abbé de Sade, qui l'attend pour lui montrer une pièce de théâtre narrant sa vie. Le Marquis refuse d'y assister et choisi de raconter lui-même l'histoire, s'y perdant, mélangeant les époques, les rêves et la réalité.



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Le cinéma a longtemps été très timide envers Sade, qui se retrouve, avant les années 60, cantonné à une apparition déguisée dans l'Age d'Or de Luis Buñuel. C'est à American Internationnal Picture, la compagnie de Samuel Z. Arkoff et James H. Nicholson, que l'on doit la première tentative de biographie du Marquis de Sade.



Cyril Endfield se voit confier la réalisation ou plutôt l'achèvement d'un projet qui a vu passer Roger Corman et Gordon Hessler derrière la caméra avant lui, et s'applique à mettre en image le script tortueux et presque fantastique de Richard Matheson, qui retrace la vie du Marquis de sade, comme un conte fantasmagorique.



C'est cette approche scénaristique qui fait tout l'intérêt de De Sade, puisque la narration baroque de Matheson rappelle énormément celle de Lola Montes, de Max Ophüls. Construisant l'histoire en flashback, Matheson s'amuse à mélanger rêve et réalité, à recouvrir les étapes de la vie de Sade d'un voile de mystère à en dilluer l'obectivité dans une brume de songe qui oblige constamment le spectateur à s'interroger : A quel moment est-on passé de la réalité au rêve?
Il y a trois niveau au récit, qui s'entrecoupent et s'entremêlent, dans un balais brillant sur le plan purement narratif.




Si je dis que c'est cette narration qui est l'intérêt principal de De Sade, c'est parce que le film n'est pas à prendre comme un biopic précis du Marquis. Le personnage lui-même devient une figure romantique, proche de l'image qu'en donne Jess Franco au début de Justine (1968, avec Klaus Kinski dans le rôle), à laquelle vont parfaitement les yeux délavés de Keir Dullea (2001 l'Odyssé de l'espace). Le film n'illustre pas non plus l'univers propre à Sade, ni les excès pour lesquels il a été emprisonné, qui sous la caméra de Endfield se transforment en pollisonneries rapidement lassantes.

Malgré ce côté désuet du fond (réhaussé par les dialogues, qui font heureusement références aux opinions de D.A.F), du moins lors des scènes supposément orgiaques, De Sade répond présent au niveau des décors et costumes, colorés et chatoyants. Au niveau du casting, on a le plaisir de trouver John Huston dans le rôle de l'abbé, l'oncle de Sade qui se trouve être ici la figure perverse. Lilli Palmer est une parfaite Mme de Montreuil, qui tend presque à devenir le personnage central dans l'une des meilleures séquences "inventées" du film dans une prison indéterminée, issue peut-être d'un délire du Marquis repentant.

Remarquable par sa forme, moins par son contenu, De Sade reste une oeuvre surprenante, qui s'attache à montrer la vie du marquis au delà de ses écrits, sa passion pour le théâtre, son mariage raté etc, l'élevant au rang de figure tragique, poète visionnaire et perdu, à la recherche d'un moment de réalité au milieu d'un océan de rêves.

11 avr. 2011

Les Mémoires d'Elizabeth Frankenstein

Roman de Théodore Roszak

Paru en 1995, et en 2007 pour la traduction française au Cherche Midi. 600 pages.

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Recueillie par la baronne Caroline Frankenstein, la jeune Elizabeth est introduite dans le monde secret des sorcières et initiée à l'alchimie, aux lois de la nature et à celles du corps humain. De son côté, Victor, fils légitime de la baronne ne jure que par la raison et le savoir : il prétend pouvoir créer une vie qui ne naitrait pas du corps de la femme, mais de la science. Ces deux natures contradictoires vont se confronter et se mêler jusqu'à l'accomplissement de l'oeuvre, qui voit la funèbre consécration du prométhée moderne.

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Merveilleuse plume que celle de Theodore Roszak, historien et professeur à l'université de Californie, mais surtout romancier et essayiste hors pair. Le Diable et Daniel Silverman était déjà un remarquable huis clos doublé d'un discours à la fois subtil, brutal et satyrique, multi-référenciel et angoissant au possible.

Ce que l'on peut dire en premier lieu des Mémoires d'Elizabeth Frankenstein, c'est qu'il le surpasse grandement. En tout point, ce roman est un chef-d'oeuvre, et probablement la pièce maîtresse de la bibliographie de Roszak !


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Lorsque Frankenstein ou le Prométhée Moderne parait en 1818, personne ne veut croire qu'il est l'oeuvre d'une femme, et pourtant, c'est bien Mary Shelley qui se trouve derrière ce conte macabre et philosophique, chose dont peu se sont rappelé jusque là dans leur traitement du mythe, que ce soit au cinéma ou en littérature. Il faut dire que dans son roman, Mary Shelley ne laisse la parole qu'aux hommes, ne laissant Elizabeth s'exprimer qu'à travers quelques lettres (ce que souligne Roszak au début du roman). Pourtant, il demeure que l'auteure se serait prise pour modèle en imaginant le personnage d'Elizabeth, et voila qui donne à penser qu'il y a bien des choses à découvrir sur l'énigmatique "fiancée de Frankenstein".


Donnant ainsi la parole tantôt à Elizabeth, tantôt à Walton (l'homme ayant recueilli les confessions de Victor Frankenstein) qui commente le journal, Roszak s'applique à nous livrer toute l'histoire et même un peu plus, depuis l'enfance d'Elizabeth, jusqu'à sa tragique nuit de Noce, du point de vue de la jeune femme.

L'idée de base est alléchante, mais s'arrêter là aurait été frustrant, et on peut compter sur Roszak pour l'enrichir, d'une histoire parallèle mélant alchimie, spiritualité et féminisme, qui utilise avec brio les bases posées par Mary Shelley et qui perpétue les grandes traditions romantiques. Ainsi les personnalités d'Elizabeth et de Victor sont explorées, dévoilées jusque dans leur plus profonde intimité, pour délivrer une oeuvre d'une puissance bouleversante.


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Jusqu'au boutiste et sans concession, mais aussi tendre et d'une inventivité sans limite, d'une profondeur terrifiante et d'une sincérité désarmante, ces mémoires d'Elizabeth Frankenstein sont probablement le plus bel hommage que l'on pouvait rendre à Mary Shelley.

27 févr. 2011

The Haunting of Morella



Réalisé par Jim Wynorski en 1990.
Avec David McCallum, Nicole Eggert, Christopher Halsted, Lana Clarkson, Jonathan Farwell...
D'après le nouvelle Morella d'Edgar Allan Poe.

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Après avoir été jugée comme sorcière, Morella est lynchée par une foule fanatique, mais avant de mourir elle lance la malédiction sur son époux, jurant qu'elle reviendra sous l'apparence de sa propre fille, Lenora.
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Au début des années 90, après avoir, en 1988, réalisé son ultime chef-d'oeuvre, Frankenstein Unbound, Roger Corman passe définitivement à la production et fait tourner à plein régime sa compagnie Concord-New Horizons. Il est alors célèbre pour produire à tour de bras des réponses à petit budget au plus gros blockbusters (resuçant par exemple allègrement les enjeux du Abyss de James Cameron avec Lords of the Deep), mais il en profite aussi pour en revenir à ce qui fit sa renommée dans les années 60 : le cycle Poe.
Après avoir confié à Larry Brand le remake du Masque de la Mort Rouge (qui n'en avait pas besoin), il se tourne vers Jim Wynorski, l'enfant terrible de son écurie, pour réaliser un long métrage issu d'une nouvelle qui n'avait en 1962 occupé qu'un segment de 20 minutes des Tales of Terror : Morella.
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La qualité alléatoire des productions Corman depuis la fin des années 80 incite à une certaine prudence quand on approche un titre comme celui-ci, aussi alléchant soit-il. Mais on peut noter d'emblée que Wynorski semble tout faire pour apparenter ce film, au moins dans sa forme, à ceux du cycle Poe, clot 25 ans plus tôt. The Haunting of Morella a tout d'un film nostalgique et les efforts du réalisateur pour lui donner toute l'élégance de ses ainés sont manifestes et louables : Décors, photographie, musique sont autant d'atouts qui, pourtant ne peuvent pallier des aspects plus discutables.
Le premier de ces aspects, est le scénario, rien que ça. Les films du cycle Poe n'ont jamais été d'une fidélité absolue, mais aucun n'a étiré sur 90 minutes une nouvelle de 7 pages. Si Haunting of Morella n'est jamais ennuyeux, il est souvent complêtement farfelu, ce qui me l'a rendu plutôt sympathique, mais qui se révèle préjudiciable lorsqu'on se demande ce qui reste de Poe dans tout cela.
L'aspect "remplissage" est lui par contre assez déplaisant, Wynorski s'amusant à déshabiller ses actrices sous des pretextes divers et variés, ce qui peut causer des problèmes d'attention à ceux qui ne sont pas là pour mater.
Rien de bien méchant à part ça, sinon les effets spéciaux et maquillages de Dean Jones qui à défaut d'être effrayants sont plutôt désuets, voire savoureusement ringards.
Côté casting, on a le plaisir de retrouver David McCallum, qui nous sort une partition mélancolique à la Vincent Price qui vaut le coup d'oeil. Nicole Eggert manque certainement de charisme pour incarner le double rôle de Morella/Lenora, mais son côté pin-up ravira les amateurs, quant à Lana Clarkson, qui incarne sa plantureuse gouvernante, elle fait à côté d'Eggert et même de McCallum, figure de géante, c'en est terrifiant (l'actrice et top modèle assassinée en 2003 était connue pour sa haute stature).
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Si Corman choisissait avec son segment Morella en 62 de se concentrer sur les relations troublées entre un père et sa fille, le premier jugeant le seconde responsable de la mort de Morella, Wynorski et son scénaristes s'attachent eux à l'état psychologique de la jeune fille qui découvre qu'elle sera le médium qui permettra à sa mère défunte d'assouvir sa vengeance. Un parti pris qui permet à Wynorski de tourner des séquences cauchemardesques, plutôt granguignolesques qui font de The Haunting of Morella un spectacle ô combien distrayant, mais qui peine, et c'est regretable, à passer pour un retardataire du cycle Poe.

20 févr. 2011

Love Letters of a Portuguese Nun


Réalisé par Jess Franco en 1977.
Avec Susan Hemingway, William Berger, Ana Zanatti, Herbert Fux, Herman José, José Viana...
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Agée de 15 ans, la jeune Maria Rosalea est forcée d'entrer au couvent, après que le Père Vicente ait convaincu sa mère de la damation encourue par sa fille qui s'est amouraché d'un jeune homme fort entreprenant. Mais les ordres se révèle un véritable suplice pour Maria, qui découvre bientôt que le prêtre et la mère supérieure s'adonne à des pratiques terrifiantes. Les accusations qu'elle porte à leur encontre ne sont pas entendues, et preuve est faite par l'inquisiteur, que les allégations de la jeune fille sont l'oeuvre du démon...
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Non, je ne tiens pas à faire de ce blog l'antre de la nunsploitation, mais le genre, malgré sa réputation a vu naitre il faut l'avouer quelques oeuvres fort intéressantes. Jess Franco, il fallait s'en douter, s'est penché sur la question, et délivré ce sombre poème, vaguement inspiré des Lettres Portugaise, mais plus globalement, de Sade et de ses affluants.

On pense évidemment à La Religieuse de Diderot, magnifiquement mis en image par Jacques Rivette, film avec lequel Love Letters of a Portuguese Nun partage certaines similitudes, mais aussi à Justine ou les infortunes de la vertu, ou encore à Alucarda chef-d'oeuvre surréaliste un peu plus tardif que j'ai déjà évoqué en ces pages.
Dans la première partie, Franco semble se cantonner aux thématiques d'usage, et abuse des "mon enfants, il faut te confesser, te laver de tes pensées impures", ce qui fini par rendre complêtement délirant et répétitif le discour du prètre alors qu'il force littéralement Maria à lui raconter des rêves érotiques qu'elle-même n'est pas sûre d'avoir eu et qu'elle semble inventer au fur et à mesure pensant que c'est ce qu'on attend d'elle. Naïve mais pas stupide, Maria finira par se rebeller, et se retrouvera enfermée, maltraitée, offerte à Satan dans une scène paroxismique dont on ignore si elle tient de la réalité diégétique ou si elle est issue des délires de la jeune fille enfermée (il convient de souligner que la scène est réhaussée en plus du grand score de Walter Baumgartner, qui réalise ici la pièce majeur d'une carrière cantonnée au BO de films érotiques allemands).
"Voici l'histoire d'une jeune fille qui écrivit une lettre à Dieu, et Dieu a répondu", nous dit la tagline, mais chez Franco, Dieu n'est jamais très présent, mais la réponse en question finit par arriver... mieux vaut tard que jamais. L'idée d'une église corrompue ne date pas d'hier, mais c'est ici l'excès qui est privilégié, le délire anti religieux, mis en scène pourtant avec une majestée inattendue, qui hisse ce film au dessus de la simple idée de nunsploitation et l'inscrit dans une sorte de lignée de classiques irréverrencieux.


On pourrait regretter que Franco n'ait pas su éviter l'écueil du Happy End, mais on peut aussi l'en féliciter, car via ce choix il permet à Love Letters of a Portuguese Nun de se démarquer radicalement de ses prédecesseurs, en sacrifiant à l'ironie le tragique, après avoir joué une heure et vingt minutes durant la carte de l'excès. Ces Lettres d'Amour d'une Religieuse Portugaise allient alors la cruauté d'un Sade et la lucidité d'un Diderot au sein d'un film qui est bel et bien l'oeuvre de Jess Franco.

13 févr. 2011

Totenbraut : La Femme du Vampire

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Roman de Nina Blazon.
Publié en 2010, Editions du Seuil.
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Au XVIIIème siècle, en Serbie, la jeune Jasna est vendue par son père à Jovan, un riche propriétaire, qui cherche une épouse pour son fils Danilo. Elle quitte alors ses soeurs et la maison paternelle pour s'installer dans les trois mystérieuses tours de la famille Vukovic. Très vite, Jasna réalise que son mari cache un sombre secret. Une fois le mariage célébré, il ne l'approchera plus jamais. Des faits effrayants se produisent : morts suspectes de villageois, moutons égorgés, chevaux blessés... Danilo serait-il un vampire? c'est avec Dusan, un bucheron fantasque - le seul à lui avoir tendu la main - que Jasna va découvrir toute la vérité.
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C'est sans doute dans le souci de surfer sur la triste deferlante Twilight, que l'éditeur a choisi de présenter le roman comme une nouvelle histoire à l'eau de rose, avec cette couverture qui ne semble avoir aucun lien avec le contenu. S'arrêter à cette simple couverture reviendrait à voir le roman pour ce qu'il n'est pas, un erzats profiteur, un Vampire Diaries serbe ou que sais-je.
Mais ce que Nina Blazon propose ici, c'est un retour aux sources, une plongée dans une période, dans un pays, où le vampire est une crainte bien réelle, et où la religion orthodoxe multiplie les rituels contre ce mal diabolique.
Suivant les aventures de l'infortunée Jasna, contrainte à 15 ans (rien d'extraordinaire pour l'époque) d'épouser un homme à peine plus agée qu'elle, qu'elle ne connait pas et qu'elle ne parviendra pas à aimer, Totenbraut, propose via une narration à la première personne, une enquête pleine de mystères et de rebondissements, lesquels s'ils ne sont pas tous vraissemblables et parfois décevants, gardent jusqu'au bout une certaine originalité, ce qui permet à ce petit roman de ne pas se laisser oublier trop vite.
Il est plus question ici de superstitions diverses que de vampires en particulier, et tout l'intérêt du livre réside dans la description du comportement des villageois vis à vis des Vikovic - famille maudite qui évoque par bien des aspects les Wurdalaks de Tolstoy - ainsi que dans les nombreuses informations dont l'auteur parsème son roman à propos de la guerre contre les Turcs.
Sans être remarquable au niveau stylistique, Totenbraut se lit très facilement et propose de faire (re)découvrir le mythe du vampire sous un angle plus primitif. Point de dandy élégants, ni de longues canines, point de cape et encore moins de métamorphoses nocturnes, pourtant les vampires de Nina Blazon sont bien plus complexes qu'il n'y parait.

23 janv. 2011

The Turn of the Screw (2009)

Réalisé par Tim Fywell en 2009.
Avec Michelle Dockery, Eva Sayer, Josef Lindsay, Dan Stevens...
D'après le roman de Henry James.
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Ann est engagée comme gouvernante auprès de deux jeunes enfants. Elle est vite conquise par les deux adorables têtes blondes, mais il semblerait que des esprits malveillant rôdent autour d'eux. Comprenant le sort qui les accable, elle se jure de les protéger coute que coute contre cette menace surnaturelle qui mettra sa raison à rude épreuve.
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Cette nouvelle adaptation du Tour d'Ecrou d'Henry James fait partie des "Ghost Stories" de Noël produite par la BBC qui semble vouloir perpétuer la tradition initiée par Dan Curtis. Après le Sweeney Todd de Dave Moore et un superbe Dracula réalisé par Bill Eagles (tous deux en 2006), voila un téléfilm qui prend encore beaucoup de libertés avec le texte d'origine.
C'est Tim Fywell qui se retrouve aux commande, et comme Bill Eagles, c'est un habitué des séries TV, ce qui se ressent profondément dans sa mise en scène.


Fywell n'est pourtant pas aussi adroit que Eagles, et l'on sent une volonté de pallier grace au montage, le manque de dynamisme de sa caméra. Le tout donne une forme bancale, peu sûre à l'ensemble, qui perd dès le début une partie de sa crédibilité.
Pour ceux qui s'attendent à une adaptation fidèle, la déception se fera sentir, certes, le principal est là, mais servit tièdement et sans véritable audace (au contraire du Dracula de Eagles), même pour les puristes, le tout semblera certainement fade.
The Turn of the Screw mouture 2009 ne propose pas non plus une ambiance satisfaisante, toute l'ambigüité qui fait l'intêret de cette histoire de revenants et de perversion semble avoir disparue. Le jugement du spectateur qui garde en mémoire le magnifique Les Innocents, de Jack Clayton (1961, scénarisé par Truman Capote, avec Deborah Kerr) en sera d'autant plus sévère.
Bien sûr, cette adaptation comporte de bonnes choses, certaines séquences ajoutées, ne figurant pas dans l'histoire d'origine, apportent leur petit lot d'originalité au métrage, sans pour autant le rendre plus convaincant.
L'interprétation des principaux acteurs se révèle à l'image du film, correcte mais translucide. Michelle Dockery pourtant parfaite pour le rôle est trop affectée et manque de nuance dans ses expressions. Eva Sayer et Josef Lindsay qui interprètent Flora et Miles semblent tout droit sorti d'une version burtonnesque du village des damnés, quant à Edward Macliam dans le rôle de Peter Quint, il fait de risibles apparitions qui rendent hystérique la pauvre Ann. Enfin, Dan Stevens (Une star made in BBC : The Line of Beauty, Dracula, Raison et Sentiments) s'offre une quasi figuration aussi inutile qu'ennuyeuse en Dr Fisher, essayant de comprendre les raisons qui font qu'Ann ait été retrouvée folle, un enfant mort dans les bras.

A tout ceux que Le Tour d'Ecrou de Sir James fait frémir, de peur comme de plaisir, je ne peut conseiller cette version qui manque véritablement de tout ce qu'il faut pour être ne serait-ce que satisfaisante. A tout les curieux, les complétistes qui compteraient déjà les autres adaptations dans leurs collections, voila la version 2009 du Tour d'Ecrou, qui fait, vous verrez, très très très pâle figure à côté de films comme Les Innocents, ou The Turn of the Screw de Dan Curtis (1974)