27 févr. 2011

The Haunting of Morella



Réalisé par Jim Wynorski en 1990.
Avec David McCallum, Nicole Eggert, Christopher Halsted, Lana Clarkson, Jonathan Farwell...
D'après le nouvelle Morella d'Edgar Allan Poe.

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Après avoir été jugée comme sorcière, Morella est lynchée par une foule fanatique, mais avant de mourir elle lance la malédiction sur son époux, jurant qu'elle reviendra sous l'apparence de sa propre fille, Lenora.
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Au début des années 90, après avoir, en 1988, réalisé son ultime chef-d'oeuvre, Frankenstein Unbound, Roger Corman passe définitivement à la production et fait tourner à plein régime sa compagnie Concord-New Horizons. Il est alors célèbre pour produire à tour de bras des réponses à petit budget au plus gros blockbusters (resuçant par exemple allègrement les enjeux du Abyss de James Cameron avec Lords of the Deep), mais il en profite aussi pour en revenir à ce qui fit sa renommée dans les années 60 : le cycle Poe.
Après avoir confié à Larry Brand le remake du Masque de la Mort Rouge (qui n'en avait pas besoin), il se tourne vers Jim Wynorski, l'enfant terrible de son écurie, pour réaliser un long métrage issu d'une nouvelle qui n'avait en 1962 occupé qu'un segment de 20 minutes des Tales of Terror : Morella.
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La qualité alléatoire des productions Corman depuis la fin des années 80 incite à une certaine prudence quand on approche un titre comme celui-ci, aussi alléchant soit-il. Mais on peut noter d'emblée que Wynorski semble tout faire pour apparenter ce film, au moins dans sa forme, à ceux du cycle Poe, clot 25 ans plus tôt. The Haunting of Morella a tout d'un film nostalgique et les efforts du réalisateur pour lui donner toute l'élégance de ses ainés sont manifestes et louables : Décors, photographie, musique sont autant d'atouts qui, pourtant ne peuvent pallier des aspects plus discutables.
Le premier de ces aspects, est le scénario, rien que ça. Les films du cycle Poe n'ont jamais été d'une fidélité absolue, mais aucun n'a étiré sur 90 minutes une nouvelle de 7 pages. Si Haunting of Morella n'est jamais ennuyeux, il est souvent complêtement farfelu, ce qui me l'a rendu plutôt sympathique, mais qui se révèle préjudiciable lorsqu'on se demande ce qui reste de Poe dans tout cela.
L'aspect "remplissage" est lui par contre assez déplaisant, Wynorski s'amusant à déshabiller ses actrices sous des pretextes divers et variés, ce qui peut causer des problèmes d'attention à ceux qui ne sont pas là pour mater.
Rien de bien méchant à part ça, sinon les effets spéciaux et maquillages de Dean Jones qui à défaut d'être effrayants sont plutôt désuets, voire savoureusement ringards.
Côté casting, on a le plaisir de retrouver David McCallum, qui nous sort une partition mélancolique à la Vincent Price qui vaut le coup d'oeil. Nicole Eggert manque certainement de charisme pour incarner le double rôle de Morella/Lenora, mais son côté pin-up ravira les amateurs, quant à Lana Clarkson, qui incarne sa plantureuse gouvernante, elle fait à côté d'Eggert et même de McCallum, figure de géante, c'en est terrifiant (l'actrice et top modèle assassinée en 2003 était connue pour sa haute stature).
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Si Corman choisissait avec son segment Morella en 62 de se concentrer sur les relations troublées entre un père et sa fille, le premier jugeant le seconde responsable de la mort de Morella, Wynorski et son scénaristes s'attachent eux à l'état psychologique de la jeune fille qui découvre qu'elle sera le médium qui permettra à sa mère défunte d'assouvir sa vengeance. Un parti pris qui permet à Wynorski de tourner des séquences cauchemardesques, plutôt granguignolesques qui font de The Haunting of Morella un spectacle ô combien distrayant, mais qui peine, et c'est regretable, à passer pour un retardataire du cycle Poe.

20 févr. 2011

Love Letters of a Portuguese Nun


Réalisé par Jess Franco en 1977.
Avec Susan Hemingway, William Berger, Ana Zanatti, Herbert Fux, Herman José, José Viana...
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Agée de 15 ans, la jeune Maria Rosalea est forcée d'entrer au couvent, après que le Père Vicente ait convaincu sa mère de la damation encourue par sa fille qui s'est amouraché d'un jeune homme fort entreprenant. Mais les ordres se révèle un véritable suplice pour Maria, qui découvre bientôt que le prêtre et la mère supérieure s'adonne à des pratiques terrifiantes. Les accusations qu'elle porte à leur encontre ne sont pas entendues, et preuve est faite par l'inquisiteur, que les allégations de la jeune fille sont l'oeuvre du démon...
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Non, je ne tiens pas à faire de ce blog l'antre de la nunsploitation, mais le genre, malgré sa réputation a vu naitre il faut l'avouer quelques oeuvres fort intéressantes. Jess Franco, il fallait s'en douter, s'est penché sur la question, et délivré ce sombre poème, vaguement inspiré des Lettres Portugaise, mais plus globalement, de Sade et de ses affluants.

On pense évidemment à La Religieuse de Diderot, magnifiquement mis en image par Jacques Rivette, film avec lequel Love Letters of a Portuguese Nun partage certaines similitudes, mais aussi à Justine ou les infortunes de la vertu, ou encore à Alucarda chef-d'oeuvre surréaliste un peu plus tardif que j'ai déjà évoqué en ces pages.
Dans la première partie, Franco semble se cantonner aux thématiques d'usage, et abuse des "mon enfants, il faut te confesser, te laver de tes pensées impures", ce qui fini par rendre complêtement délirant et répétitif le discour du prètre alors qu'il force littéralement Maria à lui raconter des rêves érotiques qu'elle-même n'est pas sûre d'avoir eu et qu'elle semble inventer au fur et à mesure pensant que c'est ce qu'on attend d'elle. Naïve mais pas stupide, Maria finira par se rebeller, et se retrouvera enfermée, maltraitée, offerte à Satan dans une scène paroxismique dont on ignore si elle tient de la réalité diégétique ou si elle est issue des délires de la jeune fille enfermée (il convient de souligner que la scène est réhaussée en plus du grand score de Walter Baumgartner, qui réalise ici la pièce majeur d'une carrière cantonnée au BO de films érotiques allemands).
"Voici l'histoire d'une jeune fille qui écrivit une lettre à Dieu, et Dieu a répondu", nous dit la tagline, mais chez Franco, Dieu n'est jamais très présent, mais la réponse en question finit par arriver... mieux vaut tard que jamais. L'idée d'une église corrompue ne date pas d'hier, mais c'est ici l'excès qui est privilégié, le délire anti religieux, mis en scène pourtant avec une majestée inattendue, qui hisse ce film au dessus de la simple idée de nunsploitation et l'inscrit dans une sorte de lignée de classiques irréverrencieux.


On pourrait regretter que Franco n'ait pas su éviter l'écueil du Happy End, mais on peut aussi l'en féliciter, car via ce choix il permet à Love Letters of a Portuguese Nun de se démarquer radicalement de ses prédecesseurs, en sacrifiant à l'ironie le tragique, après avoir joué une heure et vingt minutes durant la carte de l'excès. Ces Lettres d'Amour d'une Religieuse Portugaise allient alors la cruauté d'un Sade et la lucidité d'un Diderot au sein d'un film qui est bel et bien l'oeuvre de Jess Franco.

13 févr. 2011

Totenbraut : La Femme du Vampire

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Roman de Nina Blazon.
Publié en 2010, Editions du Seuil.
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Au XVIIIème siècle, en Serbie, la jeune Jasna est vendue par son père à Jovan, un riche propriétaire, qui cherche une épouse pour son fils Danilo. Elle quitte alors ses soeurs et la maison paternelle pour s'installer dans les trois mystérieuses tours de la famille Vukovic. Très vite, Jasna réalise que son mari cache un sombre secret. Une fois le mariage célébré, il ne l'approchera plus jamais. Des faits effrayants se produisent : morts suspectes de villageois, moutons égorgés, chevaux blessés... Danilo serait-il un vampire? c'est avec Dusan, un bucheron fantasque - le seul à lui avoir tendu la main - que Jasna va découvrir toute la vérité.
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C'est sans doute dans le souci de surfer sur la triste deferlante Twilight, que l'éditeur a choisi de présenter le roman comme une nouvelle histoire à l'eau de rose, avec cette couverture qui ne semble avoir aucun lien avec le contenu. S'arrêter à cette simple couverture reviendrait à voir le roman pour ce qu'il n'est pas, un erzats profiteur, un Vampire Diaries serbe ou que sais-je.
Mais ce que Nina Blazon propose ici, c'est un retour aux sources, une plongée dans une période, dans un pays, où le vampire est une crainte bien réelle, et où la religion orthodoxe multiplie les rituels contre ce mal diabolique.
Suivant les aventures de l'infortunée Jasna, contrainte à 15 ans (rien d'extraordinaire pour l'époque) d'épouser un homme à peine plus agée qu'elle, qu'elle ne connait pas et qu'elle ne parviendra pas à aimer, Totenbraut, propose via une narration à la première personne, une enquête pleine de mystères et de rebondissements, lesquels s'ils ne sont pas tous vraissemblables et parfois décevants, gardent jusqu'au bout une certaine originalité, ce qui permet à ce petit roman de ne pas se laisser oublier trop vite.
Il est plus question ici de superstitions diverses que de vampires en particulier, et tout l'intérêt du livre réside dans la description du comportement des villageois vis à vis des Vikovic - famille maudite qui évoque par bien des aspects les Wurdalaks de Tolstoy - ainsi que dans les nombreuses informations dont l'auteur parsème son roman à propos de la guerre contre les Turcs.
Sans être remarquable au niveau stylistique, Totenbraut se lit très facilement et propose de faire (re)découvrir le mythe du vampire sous un angle plus primitif. Point de dandy élégants, ni de longues canines, point de cape et encore moins de métamorphoses nocturnes, pourtant les vampires de Nina Blazon sont bien plus complexes qu'il n'y parait.