26 sept. 2011

The Strange Case of Dr Jekyll and Miss Osbourne

Réalisé par Walerian Borowczyk en 1981
Avec Udo Kier, Gérard Zalcberg, Marina Pierro, Howard Vernon, Patrick Magee...
D'après le roman de Robert Louis Stevenson.

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Alors que l'on célèbre les fiançailles du docteur Henry Jekyll et de miss Fanny Osbourne, la soirée prend une sombre tournure. Alors que Jekyll s'absente, un invité signal le viol de l'une des convives ; il semblerait que l'un d'eux soit un maniaque. S'engage alors un jeu de cache-cache dans toute la maison pour échapper à Edward Hyde...

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Lorsque Stevenson rédigea le premier jet de ce qui deviendrai plus tard L'Etrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde, sa fiancée, Fanny Osbourne se montra parait-il très choquée du propos et du contenu. La petite histoire veut que Stevenson ait jeté cette première version au feu pour écrire le roman que nous connaissons. L'idée de Borowczyk (Les Contes Immoraux, La Bête) est donc, probablement ici de se rapprocher de ce qu'aurait éventuellement put donner cette première version, ce work in progress avorté qui choqua tant Miss Osbourne, qui devient pour l'occasion l'une des protagonistes du récit.


Le charme malsain de la bourgeoisie hypocrite, mourante, indécente est ici mis en exergue par un Borowczyk visiblement très inspiré, mais aussi handicapé par une limite budgétaire que l'on ne devine que trop. La photographie est crue, le décors exigü, ce qui au final devient l'atout d'un huis-clos étrange, à l'atmosphère ouateuse. Inscrivant son film dans le sillon trash de Blood for Dracula et Flesh for Frankenstein (Paul Morrissey, 1974) via la présence de Udo Kier, qui traine ici sa beauté translucide de dandy soufreteux, le réalisateur soigne le reste d'un casting très "bis" avec un Howard Vernon (Le Silence de la Mer, L'Horrible Dr Orloff, Alphaville...) et un Patrick Magee (Le masque de la Mort Rouge, le Chat Noir, Demons of the Mind...) tout deux en grande forme et enfin une Marina Pierro (La Morte-Vivante, Intérieur d'un Couvent...) qui garde ses vêtements plus longtemps qu'à l'accoutumé. N'oublions pas le trouble fête, le Hyde incarné par Gerard Zalcberg (Les Prédateurs de la Nuir, Parking...) dont le faciès particulier est très reconnaissable et se prète à ce genre de rôle, l'homme restera pourtant tout au long de sa filmographie relégué à l'arrière plan (les rôles de portier inquiétant ou d'homme de main bizarre).


Cette idée de faire jouer Jekyll et Hyde par deux acteurs distinct, en plus de nous éviter une nouvelle scène de transformation mal-foutue comme on en a trop vu, permet de faire aisément la distinction entre les deux personnalités, on ne peut blamer Jekyll pour les agissements de Hyde. On évite aussi le côté Dorian Gray, et l'idée que ce Hyde inquiétant serait le vrai visage d'un Jekyll lisse et d'aspect attrayant. A cette preuve de bon gout et à un attachement à rendre sa reflexion le discours de Stevenson la plus claire possible, Borowczyk ajoute sa touche personnelle et inévitable, l'aspect transgressif et outrancier qui le caractérise avec un cynisme bienvenu. Sa Miss Osbourne succombe à la théorie de Jekyll, et les deux amant, quittant les lieux du massacres s'adonnent à une dévoration mutuelle et passionnée qui constitue le long et magnifique point d'orgue de ce chef-d'oeuvre méconnu et encore trop ignoré de nos jours.


7 sept. 2011

Dr. Jekyll & Mr. Hyde (1980)



Réalisé par Alastair Reid en 1980.
Avec David Hemmings, Lisa Harrow, Clive Swift, Ian bannen, Diana Dors, Roland Curram, Desmond Llewelyn, Toyah Willcox...
scénario de Gerald Savory, d'après le roman de Robert Louis Stevenson.

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Le Dr Jekyll s'intéresse de près à la dualité de l'Homme et pense au terme de ses recherche pouvoir dissocier le bien et le mal qui cohabitent en chaque être humain. Sûr de lui, il finit par tester son procéder sur sa propre personne.

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Il s'agit ici d'une adaptation assez méconnue du roman de Stevenson dont l'intérêt principal est de bénéficier de l'interprétation de David Hemmings. L'intérêt principal certes, mais pas le seul ! Comme souvent avec les productions de la BBC, il faut s'attendre à un travail appréciable sur le plan technique comme littéraire. Certains reprocherons à ces films leur aspect statique, le côté studio un peu artificiel, parfois préjudiciable il est vrai, mais participant bien souvent à leur charme.

Dr Jekyll & Mr Hyde version 1980 n'échappe pas à la règle et on a clairement vu des mises en scènes plus folichonnes malgré l'originalité que tente d'apporter Alastair Reid en filmant ce que l'on devine être le point de vue de Jekyll/Hyde en pleine transformation. Ce qui choque le plus, c'est l'aspect involontairement kitsh de l'ensemble : les flacons et autres cornues du laboratoire de Jekyll contiennent des liquides tous plus colorés et plus flashy les uns que les autres, et surtout la musique, grosse faute de goût commise pas Dave Greenslade, soupe pseudo-psychédélique au synthé qui cadre difficilement avec l'ambiance victorienne très travaillée du téléfilm. Moins kitsh mais totalement raté est le maquillage de David Hemmings lorsqu'il se transforme, heureusement que l'acteur en est débarrassé dans la majeure partie du film qu'il soit Jekyll ou Hyde.

Ces petits défauts mis à part, il faut tout d'abord reconnaitre que Hemmings s'en sort très bien dans le rôle du vieillissant et stricte Dr Jekyll comme dans celui du jeune et libertin Mr Hyde. Comme l'a fait Fisher avant eux (ainsi que Jerry Lewis), Reid et Savory inversent la tendance et prètent au mal un visage, et des manières plutôt agréables: difficile de détester le Hyde/Hemmings, mielleux et cynique en société. Pourtant le réalisateur et son scénariste on chargé la mûle en prêtant à l'alter égo du bon docteur des tendances pédophiles.

Le reste du casting ne brille malheureusement pas avec l'éclat de David Hemmings, sauf peut-être Lisa Harrow, la fiancée du sage et sévère Dr Jekyll qui se trouve séduite par l'ambigu, le ténébreux, le mystérieux, l'hédoniste Mr Hyde.

Cette version de l'étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde laisse donc une impression mitigée, malgré une peinture de l'East End douloureusement convaincante et un couple central (presque un trio!) dont l'évolution est assez inédite et très intéressante. Le rythme souffre de sévère baisses de régimes, même si les deux heures passent facilement, il manque clairement au film les moyens de son ambitions. Jugé carrément ennuyeux par certains, ce Dr Jekyll & Mr Hyde mérite au contraire qu'on lui accorde le temps d'un visionnage : ses défauts n'effacent pas ses qualités et il serait dommage de manquer une belle performance de David Hemmings, de ne pas reconnaître le travail de l'équipe sur les décors et de ne pas saluer l'originalité bienvenue dont fait preuve Savory à l'égard d'un filon qu'on pensait devenu stérile à force d'exploitation.

5 sept. 2011

Making History



Roman de Stephen Fry; 1996

Parution Française : 2009 (les Moutons Electriques)

Folio SF 2011 ; 645 pages.



Le choc frontal entre Michael Young, thésard en histoire à Cambridge, et le professeur Zuckermann, vieux physicien obsédé par l'une des périodes les plus sombres du XXème siècle, va changer l'histoire - littéralement. Mais pour cela il faut aussi compter sur une pilule miracle, sur le rival oublié d'un petit teigneux autrichien et sur la fatale élasticité du temps. le pire n'est jamais certain, mais le mieux ne se trouve pas forcément non plus où on l'attendait...

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Et si Hitler n'avais jamais existé ? C'est la question que pose malicieusement Stephen Fry avec Making History. Le monde s'en porterait-il mieux ? Ou un autre aurait-il assumé son rôle dans l'histoire, un autre plus charmant, plus démago, plus insidieux...

Plus complexe que ça, l'intrigue captivante imaginée par Fry se révèle sans faille, diablement distrayante, et remarquablement intelligente.

Il n'est pas aisé pour tout écrivain de tenir en haleine avec ce genre de sujet quand il ne relève pas des intérêts profond du lecteur, mais c'est sans compter sur la facilité avec laquelle Stephen Fry nous fait croire à ses personnages. Passant d'une comédie romantique, à l'évocation d'une tragédie historique, puis à une uchronie des plus angoissante, l'auteur dévoile doutes et craintes sur la société. Plus qu'un roman de science-fiction, c'est un discours touchant sur l'amour qu'il faut voir dans Making History, une nouvelle démonstration que seul le présent compte; "le présent et l'amour" comme le réalise Mickael.

L'Histoire est ce qu'elle est, si elle avait été autrement nous ne serions pas ce que nous sommes ou peut-être serions-nous justement inévitablement les mêmes, comme le professeur Zuckermann, qui porte le fardeau d'une culpabilité qui dans une réalité comme dans l'autre est toujours présent ("Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles" voila une phrase de Leibniz que tout le monde connait mais que tout le monde devrait reconsidérer et s'affranchissant du discours ridicule de Voltaire).

Brillante réflexion sur la relativité de l'existence, mais aussi bel exercice de style, surprenante évocation des classiques du cinéma et histoire d'amour décalée, Making History est la meilleure façon de découvrir la plume Stephen Fry. Le roman s'apprécie d'autant plus lorsque l'on connait déjà un peu la délicieuse personnalité de son auteur.