16 avr. 2012

Blood for Dracula


Réalisé en 1974 par Paul Morrissey. Produit par Andy Warhol.
Avec Udo Kier, Joe Dallesandro, Stefania Casini, Vittorio DeSica, Roman Polanski...

*
***
*
Physiquement affaiblit, le comte Dracula quitte sa Transylvanie natale pour l'Italie. Il espère y trouver un élixir qui se fait rare : le sang d'une jeune femme vierge, pour retrouver sa force. Accueillit dans une noble famille, il fait la connaissance de 4 jeunes filles... dont aucune ne semble avoir conservé son innocence.

***

"Reflet putride de vanité", nous dit Dracula, dans le roman de Bram Stoker, à propos du miroir, ce miroir devant lequel se maquille le personnage interprété par Udo Kier dans Blood for Dracula. Ce miroir qui dès le début cesse d'être l'instrument servile et nous montre l'absence de reflet d'un personnage en détresse, d'un personnage sans visage qui se dessine des sourcils là où il n'y en a pas et rosi des joues trop pâles.

Durant toute la séquence d'introduction, bercée par la musique de Claudio Gizzi, Udo Kier applique du rose sur ses joues, du noir sur ses cheveux. La longue séquence s'achève avec un mouvement de caméra vers le miroir dans lequel le vampire ne se reflète finalement pas. Nous venons d'assister à la présentation d'un Dracula souffrant de sa nature, d'un immortel qui a perdu les couleurs de l'humaine condition, obligé de rougir ses lèvres exsangues comme un acteur de quatre sous. La révélation finale de l'absence de reflet accentuerai la détresse du personnage qui n'a en plus qu'une vague idée de son apparence physique, voire, qui n'a qu'une vague existence matérielle.



On peut y voir aussi une métaphore de l'acteur qui se prépare avant d'entrer en scène, et qui au moment de quitter sa loge serait déjà dans son personnage, ainsi Udo Kier qui incarne Dracula en possède déjà les particularités, comme possédé par son rôle, il convoque le surnaturel de sa condition avant même que le film commence.

Tourné dans la foulée de Flesh for Frankenstein, le film de Paul Morrissey est à la fois un pastiche du film de vampire classique comme l'a popularisé la décennie précédente (la Hammer notamment) et du néo-réalisme italien, en ce sens, la vanité de la noblesse agonisante est mise à mal par le réalisateur, cette vanité qu'abhorre Dracula parce que sa condition la lui refuse. Dans une italie où le prolétariat gronde, les filles de bonne familles s'accoquinent avec les jardiniers (Joe Dallessandro), et le sang virginal nécessaire à Dracula pour se régénérer se perd, réduit à quelques gouttes que le vampire est forcé de lécher sur le sol.

Pour Dracula comme pour la noblesse caricaturée par un Vittorio De Sica survolté, le miroir a fonction de révélateur de leur déchéance. Seulement, le vampire du film a l'avantage de ne jamais se trouver face à son reflet. Un reflet qui ne serait finalement pas si désagréable, puisque le poids des années semble n'avoir en rien altéré la finesse des traits de son interprète. Le seul fardeaux du vampire, cette figure inamovible, c'est son incapacité à s'adapter à une nouvelle donne sociale.


La scène d'introduction ici.

Aucun commentaire: