3 juil. 2012

Les Cicatrices de Dracula



Réalisé par Roy Ward Baker en 1970
avec Christopher Lee, Jenny Hanley, Denis Waterman, Christopher Matthews, Michael Gwynn, Michael Ripper, Patrick Troughton...
scénario de John Elder.
Musique composée par James Bernard.
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Accusé d'avoir voulu abuser de la fille du bourgmestre de Kleinenberg, Paul, un jeune coureur de jupons saute dans un fiacre pour échapper à la milice qui le poursuit. L'attelage s'emballe et le jeune homme se retrouve perdu dans les Carpates. Inquiets, son frère Simon accompagné de sa fiancée Sarah, partent à sa recherche et découvrent que sa fuite l'a mené au château de Dracula.
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Les Cicatrices de Dracula est l'oeuvre du grand Roy Ward Baker à qui l'on doit deux autres et excellents Hammer films, The Vampire Lovers, une adaptation de Carmilla de Lefanu avec Ingrid Pitt et Dr Jekyll & Sister Hyde, d'après Stevenson, avec Ralph Bates et Martine Beswick. Dracula sonne comme un passage obligé pour les réalisateurs les plus intéressants de la Hammer, un an auparavant c'était le prometteur Peter Sasdy qui s'était prêté à l'expérience avec Une Messe pour Dracula, un essai concluant! Le film de Sasdy ressemblait fort à une conclusion définitive à l'une des principales saga hammeriennes, mais la firme met en chantier à peine un an plus tard ce Scars of Dracula qui ne s'inscrit aucunement dans la continuité des films précédents. A peine le film peut-il être considéré comme une suite directe du Cauchemar de Dracula, le premier de la série réalisé en 1958 par le maître Fisher. 

L'idée de base était plus celle d'un remake que d'une suite, un reboot en quelque sorte, mais la productrice Aida Young préfère que Baker incluse en introduction une scène de résurrection, pour ne pas déstabiliser le public avec un Dracula en grande forme alors qu'on la vu réduit en poussière à la fin du film précédent. La résurrection du comte Dracula est donc amené comme si de rien était, sans qu'Anthony Hinds (encore une fois crédité sous le pseudonyme de John Elder) ne se fatigue à donner une explication quand au fait que les cendres de Dracula ont à nouveau réintégré son château et ne se trouvent plus dans la chapelle anglaise où on les avait laissé, et sans même donner une raison valable à cette résurrection : c'est une chauve-souris qui vient verser son sang au dessus des cendres du vampire pour que celui-ci reprenne vie... Un peu de sang frais sur de la poudre et Dracula renaît, la Hammer a inventé le vampire lyophilisé !



Partant d'une idée simpliste, celle d'un jeune homme égaré qui frappe à la porte du château de Dracula, le film de Roy Ward Baker offre une belle synthèse du cycle hammerien en recyclant de nombreux éléments des films précédents : Tania est une servante de Dracula et demande à Paul de la délivrer, comme la femme mystérieuse le demandait à Jonathan dans Le Cauchemar de Dracula, Klove, le serviteur du vampire est ici encore plus étrange qu'il ne l'était dans Dracula Prince des Ténèbres, l'église souillée par les agissements du vampire comme dans Dracula et les Femmes... Anthony Hinds y inclue aussi des éléments du roman de Stoker délaissés dans les autres films comme l'image de Dracula rampant sur les murs de son château, ou le portrait de Sarah, aperçu ici non par Dracula, mais par Klove qui conçoit une véritable fascination pour la jeune femme et refuse que son maître lui fasse du mal.

Les Cicatrices de Dracula rétablit aussi quelque chose qui tiendrait du folklore des films Universal, lorsqu'il déchaîne ses villageois qui, suite à la découverte du cadavre d'une jeune fille portant les marques du vampire, s'en vont incendier le château après avoir mis leurs femmes à l'abri dans l'église. A leur retour il découvrent la terrible vengeance du vampire qui a envoyé ses chauve-souris tuer les femmes et profaner le lieu sacré. La violence graphique atteint un niveau assez inédit pour la Hammer dans ce film, en effet, si les chauve-souris sont responsables de nombreux maux, Dracula lui-même se montre beaucoup plus féroce et parfois assez gratuitement, comme lorsqu'il poignarde violemment Tania après que celle-ci ait tenté de séduire Paul, ou lorsqu'il torture Klove qui lui a désobéi avec un sabre chauffé au rouge. On peut y voir une manière de coller un peu plus à l'air du temps, l'épouvante gothique ayant de moins en moins de succès à l'heure ou La Nuit des morts-vivants ou Rosemary's baby sont déjà devenu des classiques.

Christopher Lee semble assez fatigué du rôle qu'il endosse une nouvelle fois, juste après Une Messe pour Dracula et Les Nuits de Dracula de Jess Franco (l'année 1970 verra les 3 films sortir sur les écrans pratiquement coup sur coup, Scars of Dracula, sorti en novembre, sera le dernier de l'année), mais il retrouve des répliques plus intéressantes que précédemment, puisqu'il est à nouveau dépeint comme l'hôte inquiétant décrit dans les pages du journal de Jonathan Harker. La plupart des acteurs sont excellents, notamment Michael Gwynn qui joue un prêtre remplaçant Van Helsing, et Michael Ripper, éternel second rôle que l'ont retrouve en tavernier peu hospitalier. Puisque nous avons évoqué une forme de recyclage, il convient d'en évoquer une autre, la réutilisation des décors, puisqu'on en reconnaîtra quelques uns et notamment la cour intérieure du château qui est celle de Lust for a Vampire, l'entrée la plus faible dans la série Carmilla, réalisé par Jimmy Sangster la même année.



En bref, Les Cicatrices de Dracula revient aux sources du mythe, et fonctionne très bien comme un hors-série (beaucoup mieux en tout cas que comme une suite), tout en faisant figure de synthèse d'une certaine mythologie hammerienne. Les carences budgétaires s'y ressentent plus que jamais, mais comme toujours l'oeuvre est de belle facture, et les décors gothiques imposant ainsi que la musique de James Bernard participent à une certaine magie de l'ensemble. Le principal bémol sera pour la fin, Dracula disparaît comme il est apparu : par hasard ! 

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