12 déc. 2012

Lust for a Vampire



Réalisé par Jimmy Sangster en 1971
Avec : Ralph Bates, Yutte Stengaard, Michael Johnson, Barbara Jefford, Mike Rave,...
Scénario de Tudor Gates, d'après Carmilla de Le Fanu
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Milieu du XIXème siècle, Mircalla entre comme étudiante dans un pensionnat pour jeunes filles. Au même moment, un jeune auteur, Richard Lestrange se promène dans le coin, et tombe amoureux de Mircalla au premier regard... 
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Difficile de résumer Lust for a Vampire sans sourire, tant la simplicité du scénario se prête difficilement à l’exercice de la synthèse en plus d'une phrase (vous remarquerez que j'en ai fait deux !). Cette suite indirecte à l'élégante adaptation de Carmilla par Roy Ward Baker, The Vampire Lovers, est l'oeuvre d'un Tudor Gates peu inspiré et d'un Jimmy Sangster bien peu à son aise. Les deux hommes auraient peut-être mieux fait d'échanger les rôles : Jimmy Sangster s'étant rendu célèbre pour les scenarii du Horror of Dracula ou Curse of Frankenstein, il aurait été intéressant de voir quelle trame il aurait imaginé pour cette quatrième escapade vampirique de la Hammer hors-Dracula.

Une escapade peu folichonne à vrai dire, étalant péniblement sur une heure et demie un scénario dont l'unique ambition semble d'utiliser les décors vacants de Scars of Dracula. Si les séquences gothiques sont tout à fait satisfaisantes, elles ne sont pas légions et la direction artistique est globalement d'un mauvais gout quasi révoltant. Il n'y à qu'à voir le festival de robes monochromes flashy pour s'en convaincre, et se convaincre du même coup que la fidélité historique sur le plan vestimentaire n'est pas tout à fait respectée. reste que la photographie n'est pas à jeter, la musique, par contre, que l'on doit toujours à Harry Robertson, est totalement à côté de la plaque, depuis le générique d'ouverture qui semble en retard de 40 ans jusqu'à la soupe romantico-pop qui accompagne la scène d'amour entre Mircalla et Lestrange, qui n'aurait pas déparé dans un détournement porno de Twilight.


Lust for a Vampire est un véritable gâchis, et les premiers à plaindre sont les acteurs qui doivent composer avec des rôles à peines écrits. Ralph Bates n'a jamais eu l'air aussi ridicule, Yutte Stengaard, dont le talent d'actrice est assez discutable n'a eu pour seule consigne que  "soit sex" (en vain, la demoiselle fait un vampire sans envergure), et Michael Johnson est désespérément fade (comment un type aussi vide peut-il intéresser une vampire sans âge ?). La palme revient tout de même à Mike Raven, DJ radio de son état, choisi pour sa lointaine ressemblance avec Christopher Lee, qui interprète le père de Mircalla.

De l'avis même de Jimmy Sangster et Ralph Bates, il s'agit probablement là de de l'un des plus mauvais films de la Hammer. La thématique vampirique passe au second plan, éclipsée par un érotisme bas de gamme (l'idée d'un pensionnat de jeunes filles, c'est que c'est un endroit plein... de jeunes filles), et Gates se rattrape comme il peut en invoquant comme conclusion les fameux villageois en colère, armés de fourches et de torches. Avec tout ça, on est passé à côté d'une myriades d'idées restées au stade embryonnaires, comme la force de l'amour entre Lestrange et Mircalla, lui qui ne peut la suivre dans l'éternité qu'en payant le prix d'une condition de mort-vivant, elle, déchiré entre un tempérament sur-affectif et des pulsions morbides. Dans un autre ordre d'idée, le souffle féministe qui étreint les discours autoritaire de la directrice du pensionnat, ou la dimension dominatrice de la vampire (ici réduite à une flamme dont les hommes, comme des papillons, s'approchent et brûlent aussitôt) aurait mérités d'être soulignés, même s'il fallait pour cela tomber dans la surenchère. Lust for a Vampire n'en aurait peut-être pas été meilleur, mais il aurait acquis une identité, ce qui lui manque cruellement.

10 déc. 2012

The Vampire Lovers


Réalisé par Roy Ward Baker en 1970.
Avec : Ingrid Pitt, Peter Cushing, Kate O'Mara, George Cole, Dawn Addams, Jon Finch...
Scenario de Tudor Gates d'après le roman Carmilla de Sheridan Le Fanu.
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La Comtesse Karnstein laisse sa fille, Marcilla, aux bons soins du Général Spielsdorf et de sa fille dans leur manoir de lointaine Styrie. Très vite, Laura Spielsdorf se lie d'amitié avec Marcilla, qui se montre attentionnée mais possessive. Laura en vient à souffrir d'anémie sévère alors que des cauchemars de plus en plus étranges la hantent. Au matin de sa mort, Marcilla s'est volatilisée... Quelque temps plus tard et non loin de là, la maison Morton accueille une jeune femme du nom de Carmilla, qui doit se reposer d'un accident de fiacre. Emma Morton se trouve alors séduite...
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The Vampire Lovers est le premier film du cycle Karnstein de la Hammer, inspiré du Carmilla de Le Fanu. Très loin de l'esthétique profondément gothique de la saga Dracula, cette première adaptation de Carmilla est tout aussi appréciable et apporte un peu d'originalité au canon vampirique hammerien qui commençait, en 70 à, si j'ose dire, manquer de sang neuf. C'est Roy Ward Baker, à qui l'on doit Scars of Dracula et Dr Jekyll and Sister Hyde, qui met son talent au service de ce premier opus.


Tourné en grande partie dans les studios d'Elstree, Vampire Lovers peut s'enorgueillir d'un autre lieu de tournage : Moor Park Mansion, dans le Hertfordshire. L'histoire est certes censée se dérouler en Europe de l'Est, on ne peut s'empêcher de trouver l'ensemble très anglais, ce qui renforce le charme du film. La photographie est tout à fait splendide et la caméra de Roy Ward Baker multiplie les mouvements amples et aériens que lui permet l'architecture imposante.

En dehors de ses qualités plastiques, auxquelles on reproche parfois de n'être pas assez hammeriennes, le film compte dans sa distribution quelques noms qui sont pour beaucoup dans sa réussite. En tête d'affiche, on ne présente plus Peter Cushing, qui va à nouveau endosser le costume de chasseur de vampire, avec l'air flegmatique qu'on lui connait. Dawn Addams s'offre le court rôle de la comtesse Karnstein et déploie un jeu beaucoup trop affecté, qui rend son personnage plutôt comique, Kate O'Mara est la vraie beauté du casting féminin, dans le rôle de la gouvernante d'Emma (interprétée par Madeline Smith, trop fade), son regard est aussi envoutant, sinon plus que celui d'Ingrid Pitt qui n'est autre que Carmilla à l'écran. On croisera aussi John Finch (future Macbeth pour Polanski) dans le rôle du jeune homme à la rescousse de la damoiselle en détresse.


Un beau casting, au service d'un beau scénario, qui retranscrit assez fidèlement le roman de Le Fanu, malgré quelques insistances sur la nature amoureuse des relations entre Carmilla et ses victimes, ainsi que quelques longueurs évitables (Carmilla procède de même avec deux jeunes femmes, ce qui provoque quelques répétition de situations). Le scénario s'encombre aussi d'éléments sous-exploités, devenus totalement inutiles, comme la présence d'un homme en noir qui serait le comte Karnstein, et dont les apparitions ne servent qu'à rappeler à Carmilla sa vraie nature lorsque celle ci commence à s'attacher à sa proie. Nombre de critiques affirment qu'avec ce film, la Hammer a atteint, voire dépassé ses limites dans la sensualité vampirique et qu'elle n'y fait que s'auto-parodier, mais indéniablement, la poésie éthérée de l'ensemble, l'aspect onirique et désuet, profondément mélancolique, même s'il est engendré par le vide d'un script trop étiré pour être honnête, vaut d'être pris en compte.


Le final de Vampire Lovers n'offre pas de véritable surprise, on assiste à la destruction de la belle vampire qui était parvenue à nous faire ressentir sa solitude et son malheur, au son de la musique d'Harry Robertson, qui ne vaut pas le tiers d'un score de James Bernard mais demeure assez original pour être apprécié. C'est donc une demie réussite que ce Vampire Lovers arrivé trop tard (on ne peut que rêver ce qu'aurait donné une version de Carmilla par Terence Fisher à l'aube des années 60), le meilleur y côtoie le pire, et pour peu qu'on choisisse d'ignorer le pire, alors il devient une très belle variation sur le thème vampirique, un mélodrame efficace, et surtout un splendide livre d'image à la gloire des enfants de la nuit.